Peut-on consentir à sa propre soumission ? : épisode 5/5 du podcast La rentrée en 5 essais

Collection Hulton Archive
Collection Hulton Archive ©Getty - GraphicaArtis / Contributeur
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Après la musique pop, la résonance, la fin des temps et de la littérature, place à l’actualité avec la parution de l’essai de Manon Garcia « On ne naît pas soumise, on le devient », d’abord une thèse soutenue, hasard du calendrier, quelques mois avant l’affaire Weinstein et ses débats français…

Manon Garcia publie On ne naît pas soumise, on le devient aux éditions Climats à paraître le 3 octobre 2018.

Ni libres ni soumises 

Il y a presque un an explosait l’affaire Weinstein. A la suite de celle-ci, et pour le résumer très (trop) rapidement, deux camps se sont formés et opposés en France : 

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-celles et ceux qui y ont vu l’occasion de dénoncer l’inégalité hommes/femmes, inégalité injustement légitimée en vertu d’une infériorité naturelle des femmes et dépourvue de tout consentement moral ou politique ; 

-et celles et ceux, comme Catherine Millet que l’on a entendue à l’instant, qui ont défendu, ou du moins justifié, cette inégalité entre les hommes et les femmes comme faisant partie des relations de séduction, d’amour ou de sexe. On se rappelle de cette tribune sur la liberté d’importuner.

Ces voix campant chacune sur ses positions, on serait pourtant tenté d’écouter toutes celles qui n’arrivent pas à se prononcer, qui se situent entre les deux, qui culpabilisent en pensant à leur propre situation (celle, par exemple, qui accepte de faire à manger à son mari ou qui aime à être dominée au lit), toutes ces voix, donc, qui incarnent cette problématique, enfin formulée par Manon Garcia : et si on pouvait consentir, librement ou sans être totalement dominé, à sa propre soumission ? 

Qu’est-ce que la soumission ? 

En 1985, soit 36 ans après la parution du Deuxième sexe, Simone de Beauvoir confessait avoir découvert petit à petit les situations de harcèlement que vivaient les femmes. Elle confessait avoir découvert, de l’intérieur, depuis la voix singulière de femmes, au cœur de situations particulières, le problème de la soumission. 

Et c’est bien tout l’enjeu de cette problématique de la soumission (peut-on y consentir librement ?) : savoir déjà de quoi on parle. Et c’est ce qui intéresse Manon Garcia : elle ne répond pas frontalement à la question, elle ne tranche pas entre les deux positions politiques et morales que l’on a tendance à généraliser et à figer, elle remonte le fil et construit le concept de ce que l’on entend par soumission et par des situations de soumission. 

En quoi la soumission est-elle distincte de la domination ? La soumission est-elle constitutive de la condition féminine ? Si oui, est-ce une constitution naturelle ou historiquement construite ? Comment entendre la voix de la soumission ? Comment la déceler au cœur de situations ordinaires ?  Pour éclairer ces différentes questions, il y a ainsi Beauvoir, et sa fameuse formule… 

On ne naît pas… on le devient

La thèse, célèbre, « On ne naît pas femme, on le devient », Manon Garcia la reformule en « On ne naît pas soumise, on le devient », ce qui donne le titre à son livre, et ce qui révèle à la fois la démarche de cet essai : construire le concept de « soumission », et son enjeu : en quoi la soumission se construit et n’est pas donnée. 

Etre soumis, ce n’est ni entériner une condition naturelle, aveuglément, ni commettre une faute morale, irréversible, c’est se situer précisément à cet endroit conscient et en devenir de la liberté, qui se conquiert, par degrés et par échecs aussi. 

EXTRAITS : 

  • Catherine Millet au micro d’Ali Badou (France Inter, 2018)
  • Simone de Beauvoir (interview de 1985 et de 1975)

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