Le mois de décembre est là, et avec lui sa "magie de Noël" et l'invitation des coachs-philo à "retrouver l'essentiel". Mais de quelle magie parle-t-on ? Où se trouve cette magie quand les temps sont durs et moroses ? Qu'on aime ou non Noël, pourquoi vouloir en faire un événement ?
En ce mois de décembre, j’aimerais vous parler de la fameuse « magie de Noël », ce moment où, pour les coachs-philosophes, on est censé « retrouver l’essentiel ».
Pourtant, entre les grèves, les colères, les annonces gouvernementales sur les retraites, la fatigue ou le stress de l’hiver, on est tenté de se demander si cette magie est bien d’actualité…
Il y a quelque chose de bizarre à regarder les manifestants et les CRS amassés, les voitures et les vélos entassés, sous des guirlandes enluminées clamant « de belles fêtes de fin d’années »… Il y a là-dedans un certain décalage, qui frôle le mauvais goût : l’esprit n’est pas à la fête. L’occasion est-elle venue d’en finir avec la magie de Noël ? Mais quelle magie et peut-on en finir ?
Adhérer ou rejeter
Chaque mois de décembre, c’est la même rengaine : il y a les pour et les contre, ceux qui se réjouissent des fêtes de fin d’année, les bienheureux qui se vautrent dans l’esprit de Noël, soignant leur sapin, préparant leurs cadeaux et s’enivrant de vin chaud devant la comédie romantique de l’année.
Et puis, il y a les autres : on pourrait les appeler les grincheux, ceux qui citent Nietzsche ou Cioran et ne manquent pas de pointer la dérive capitaliste du réveillon, son écart indécent avec la pauvreté ou l’urgence climatique, l’aveuglement au pire immoral, au mieux un peu simplet, de ses adeptes.
Ecrire sur la « magie de Noël », c’est forcément faire le constat de ces éternelles dissensions. Défendre les uns ou les autres a déjà été fait… Le développement personnel, lui-même, a tout dit de ces fanas du père Noël ou de ces « noëlophobes », il a tout dit pour en jouir ou y faire face, pour retrouver à cette occasion l’essentiel, malgré tout, c’est-à-dire sa famille, du temps, le goût des choses…
Mais si, en fait, on n’y pouvait rien ? Si on ne pouvait rien faire de Noël ? Qu’on l’aime ou pas, Noël est là, sa magie aussi. Pourquoi donc vouloir l’aimer ou le détester, ou pourquoi donc l’intellectualiser ?
Magie et magie
Voilà ma thèse : ça ne sert à rien de réfléchir aux fêtes de fin d’année, ça ne sert à rien de vouloir en faire quelque chose, de l’aimer ou pas, car, de fait : la magie de Noël revendiquée ou pas, subie ou pas, opère. Ça nous touche, ça nous saisit, il y a précisément quelque chose qui va au-delà de notre volonté à adhérer à cet événement ou à le rejeter, qui va au-delà de toutes ces idées que Noël, c’est bien ou c’est mal. Il y a précisément quelque chose de magique… Mais quoi ?
Quelle est donc cette « magie de Noël » ? Comment opère-t-elle ? C’est ça qu’on pourrait se demander avant tout : au lieu de la rejeter ou d’y adhérer, au lieu de parler de se retrouver, d’être ensemble, de jouir du temps, on pourrait d’abord se demander pourquoi Noël a toujours, malgré nous, des effets, sur nous…
Pour ma part, je crois que ces effets magiques de Noël n’ont rien à voir avec le phénomène de Noël, c’est-à-dire avec tous ces chants insupportables, ces guirlandes éblouissantes ou ces affreux pères Noël pendus aux fenêtres des maisons, qu’on aime ou qu’on déteste… Bien au contraire.
En fait, quand Noël arrive, j’ai l’impression qu’il se passe la même chose qu’à l’automne ou au printemps, il y a quelque chose dans l’air, quelque chose d’impalpable, quelque chose qui nous soulève, ça tient à l’odeur, au vent, à la lumière. Tout à coup, tel Proust avec sa madeleine, vient à la conscience l’idée que « ça y est, on y est, on touche à la trêve des fêtes de fin d’année ».
Voilà pour moi la magie de Noël, implacable, impartiale, nécessaire… Et en faire un moment magique, c’est-à-dire exceptionnel, avec force guirlandes et chants, un événement, c’est précisément nier cette dimension toujours là, déjà magique, occulte, mystérieuse…
La fête est finie
Comme Noël commence, Noël finit. Sans qu’on s’en rende compte, la fête est finie, les épines du sapin s’éparpillent au sol, on se sent un peu sale d’avoir mangé tout ça, fatigué de ces réunions… Et on ne peut s’empêcher de se dire « tout ça pour ça ».
Paradoxalement, la magie de Noël n’a rien d’une magie de pacotilles, féérique, enlevée et lumineuse… Ses moyens restent occultes, ses effets merveilleux tiennent plus du mystère surnaturel qui nous frappe que de l’émerveillement qui nous enchante.
Noël, c’est vrai, n’en reste pas moins un bon moment pour moi, mais je crois que loin de vouloir en faire, volontairement, un événement joyeux, qui en rendrait tous les rouages visibles et lisibles, je préfère m’en tenir à sa magie impénétrable.
Sons diffusés : Silent night interprété par Bing Crosby, Mariah Carey, Klaus Nomi et Scary Pockets
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