Philosophie du muscle

Philosophie du muscle
Philosophie du muscle  ©Getty - Fuse
Philosophie du muscle ©Getty - Fuse
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Une philosophie du bodybuilding, ou plus largement, une philosophie du muscle est-elle possible ? À quoi sert un muscle gonflé à bloc s’il ne nous fait pas bouger ?

Une philosophie du muscle… C’est l’idée qui peut venir en lisant ce roman biographique de Nicolas Chemla, Monsieur Amérique, aux éditions Séguier, qui retrace la vie de l’un des plus grands bodybuilders américains : Mike Mentzer. 

Né en 1951 et mort, presque 50 ans plus tard, en 2001, il a été notamment connu entre 1975 et 1985 comme l’incarnation de l’homme idéal, entendez par « idéal » l’alliance de formes corporelles parfaites avec l’idée d’une surhumanité. Entendez, autrement dit, le bodybuilding comme lieu d’émergence de l’homme idéal… 

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Drôle d’idéal… mais après tout, pourquoi pas. Les Antiques voyaient bien la vertu comme la maîtrise du corps et de ses passions, et les Modernes ont, quant à eux, lancé un culte, encore puissant, voué à l’apparence et à la performance.
Pourquoi la culture du muscle, le bodybuilding, loin d’être ringarde, ne serait-elle donc pas le lieu d’émergence de l’homme idéal aujourd’hui ? 

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28 min

À quoi servent nos muscles ? 

Le bodybuilding que l’on connaît aussi sous le nom de culturisme est la discipline qui consiste à développer sa masse musculaire, mais pas dans un but seulement athlétique, sportif ou technique, mais aussi esthétique… 

Les bodybuilders, en championnat, sont ainsi invités à enchaîner toute une série de poses pour montrer la perfection de leurs muscles, à déplier toute une chorégraphie pour révéler comment chacun de ces muscles a été parfaitement entraîné pour atteindre sa finalité. 

Mais quelle est la finalité d’un muscle ? À quoi nous sert-il ? Assez banalement, on peut définir un muscle comme un ensemble de tissus mous, constitué également de sang et de nerfs, dont la fonction, en se contractant est de produire de la force et du mouvement. Mais dans le cas du bodybuilding, à quoi servent les muscles si l’on ne fait que les montrer sans produire de mouvement ? À quoi sert donc cette pure culture de la force ? 

Une démonstration de force pure 

Entraînement, déprime, gloire, échecs, rivalité avec Schwarzenegger, c’est cette vie de culture du muscle qui est racontée dans cette biographie du bodybuilder Mike Mentzer. Une vie où chaque détail compte pour gonfler son corps, pour structurer son physique, pour hypertrophier sa force, mais sans pour autant s’en servir…

C’est là le paradoxe du bodybuilding : il a recours aux muscles sans pour autant les utiliser, tout en les dépouillant de leurs fonctions. Paradoxal, mais c’est pourtant là que le muscle, avec le bodybuilding, apparaît ainsi dans toute sa pureté, pour lui-même. 

Qu’est-ce qu’un muscle quand il n’est pas utilisé ? Certains philosophes (comme Aristote) y ont vu l’organe de la puissance, de l’action et par suite de la volonté (celle-ci étant même comparée à un muscle que l’on doit exercer), d’autres en ont fait le signe de la virilité (c’est tout l’état d’esprit antique que l’on peut retrouver chez un Nietzsche). Mais avec Mike Mentzer, le muscle cultivé pour lui-même devient tout cela, mais en plus fort et en plus tragique : le lieu de l’effort, de la douleur, d’un certain rapport à soi tours en tension. 

Être le meilleur jusqu’à l’échec 

Peut-on recréer l’humanité ? Comment entraîner son corps revient-il à explorer concrètement la réalité ? Comment peut-on prendre plaisir à la douleur ?
Ce sont quelques-unes des questions que soulève la vie de Mike Mentzer et qu’il a soulevées lui-même à travers ses textes.
On y croise le surhomme de Nietzsche, l’objectivisme d’Ayn Rand et le pragmatisme de William James, mais on y croise aussi cette idée que tout idéal humain repose sur une construction, une exploration, un exercice, une culture (et du culturisme peut-être) de soi pour soi, mais que cet idéal n’empêche pas la fragilité, mais repose au contraire sur elle. Comment être le meilleur avec et grâce à ses faiblesses et jusqu’à l’échec ? C'est sûrement la question centrale posée par le bodybuilder Mike Mentzer.