Photographier : épisode 1/5 du podcast La philosophie en cinq activités estivales

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On ne cesse de prendre des photos ou d’en regarder, mais voit-on une photographie pour elle-même ?

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Cette semaine, je vous propose non pas une sélection de classiques à lire, mais une sélection de quelques activités qui vont ponctuer votre été et sur lesquelles j'ai repéré des parutions... Ces activités que j'ai retenues sont, entre autres : bronzer, s'évader, s'angoisser (ce qui peut arriver en période de désœuvrement), et aujourd'hui : photographier. 

C'est vrai, désormais, avec nos téléphones, prendre des photos n'est plus réservé au temps des vacances. On en prend tout le temps... il ne s'agit plus d'immortaliser un moment, de fixer un instant de dépaysement, de graver dans la mémoire l'exceptionnel, mais de montrer et de voir, et de montrer que l'on a vu. Mais jusqu'où la photographie permet-elle de voir ce que l’on a voulu montrer ?  

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Depuis l'apparition de la photographie, un certain nombre de réflexions sur le sujet ont vu le jour : Susan Sontag, que l'on entendait, et son essai Sur la photographie (sorti en 1977), Pierre Bourdieu avec Un art moyen, essai sur les usages sociaux de la photographie (1965), Roland Barthes et La chambre claire (1980), sans oublier, sorte de chef de file de la réflexion sur la photo : Walter Benjamin avec L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique en 1935. 

On a donc beaucoup parlé de la photographie. Médium de la modernité, instrument de reproduction et de transformation, moyen de projection et réflexion du monde, acte de création à part entière... ces propos ont, parfois/souvent, eu en fond une petite musique morale sur l'image : celle-là même qui corrompt le réel depuis Platon a, au mieux interféré, au pire envenimé, le lien entre le monde et nous. 

Bref, on a beaucoup parlé ET jugé de la photographie... mais l'a-t-on vraiment regardé ? Elle, la photographie, comme quelque chose qui se fait, avant d'être vue ? 

Dans La chambre claire, Roland Barthes livre tout son amour de l'image fixe et de l'image qui reste de sa mère disparue… MAIS il n'y fait pas une théorie générale de la photographie. C'est le grand paradoxe : on prend des photos, on les regarde, on les conserve, on en parle, mais les voit-on pour elles-mêmes ? Que voit-on d’une photographie ? Que sait-on de comment se fait une photo ? 

C'est tout l'enjeu de cet excellent livre de Michel Frizot, L'homme photographique, anthologie dense et belle de textes écrits par ce spécialiste du sujet. Selon lui, on a souvent confondu des dimensions bien différentes de la photographie : l'image renvoyée, le point de vue du photographe et le sujet immortalisé… 

Mais peut-on voir une photographie en tant que telle, c'est-à-dire en tant que processus physique qui a eu lieu dans un espace et un temps plus large, plus long, que le seul moment du déclic, qui a eu lieu entre un modèle avec toute une histoire et un œil qui y avait vu quelque chose qui nous échappe peut-être ? 

Comme le déclare le célèbre Henri Cartier-Bresson : on pourrait dire que c'est plutôt la photo qui nous prend. Quand on fait une photo ou en regarde une, on ignore tout de son processus et on oubliera sûrement tout le hors-champ… Il vous est peut-être même déjà arrivé de découvrir quelque chose après coup, sur une photo, comme si elle révélait au regard des choses indécelables à l'œil nu. D'une photo, il semble ainsi qu’elle nous regarde. Et des souvenirs, d'été, de vacances et de dépaysement, on ne garde rien du tout, mais des extraits, des morceaux, qui subsistent dans notre esprit sous forme de clichés. 

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