Pourquoi avoir peur de la peur ? : épisode 8/23 du podcast Anti-manuel de philosophie

Pourquoi avoir peur de la peur ?
Pourquoi avoir peur de la peur ? ©Getty -  Benjamin Torode
Pourquoi avoir peur de la peur ? ©Getty - Benjamin Torode
Pourquoi avoir peur de la peur ? ©Getty - Benjamin Torode
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Pourquoi faudrait-il se débarrasser de la peur ? Faire avec ou l’aimer ? La peur est-elle encore de la peur quand on l’a apprivoisée ?

Aujourd’hui, un sujet qui revient beaucoup quand on s’intéresse à toute la production entre philosophie et développement personnel : la peur. Comment l’apprivoiser, la dépasser, vivre avec ou carrément l’aimer, ce sont les questions qui reviennent le plus souvent à propos de la peur… Et pour y répondre, Sénèque, Spinoza ou Nietzsche seraient de précieux conseillers. Mais pourquoi ? Pourquoi faudrait-il se débarrasser de la peur ? Faire avec ou l’aimer ? La peur est-elle encore de la peur quand on l’a apprivoisée ? C’est la question que je me suis posé. 

Désirer et rejeter la peur

Tapez « peur » sur Google et vous tomberez sur toutes sortes de conseils, de tutoriels et d’astuces pour l’éliminer. La peur est mal vue. Paralysante, mauvaise conseillère, émotion primaire et animale… tout est mis en œuvre, pour optimiser notre marge de manœuvre individuelle, que nous ne soyons empêchés par rien, ou pour réduire les risques collectifs, que nous soyons en sécurité partout. Et je dois dire que tout cela me semble vraiment paradoxal… Car à force de vouloir la réduire, l’encadrer, ou l’annihiler, on rend en fait la peur omniprésente, on la rend nécessaire. Pour se donner des excuses quand on n’agit pas ou, à l’inverse, pour se glorifier d’avoir bravé le danger grâce à son courage, pour pouvoir tout sécuriser à outrance ou, au contraire, pour se vanter d’aimer les frissons…  La peur, et c’est ce qui me fascine avec elle, est à la fois détestée et recherchée, haïe mais désirée, repoussée mais centrale. D’une certaine manière, c’est la définition-même de la peur : émotion primordiale, elle est à la fois ce qui révèle notre fragilité face au danger et notre force face à ce même danger, mais pourquoi aujourd’hui en parler pour la supprimer, la cultiver pour mieux l’éliminer.

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Défier la peur

Crainte mais primordiale, pourquoi la peur a-t-elle pris tant d’ampleur aujourd’hui, pourquoi est-elle tant présente, discutée, voire recherchée pour être en fait supprimée ? C’est la question que je me suis posé en regardant une série d’horreur, déjà vieille de 9 saisons : American Horror Story. Ici, chaque saison est indépendante, et surfe sur des peurs et des univers archétypaux : la maison hantée, la secte, l’asile de fous, le tueur en série, de la simple anxiété à la terreur froide, sans oublier tout le panel des phobies… C’est le cas, par exemple, du personnage d’Ally dans la saison 7 qui a fait de ses phobies (sang,  trous et clowns tueurs) le centre sa vie. D’abord paralysée par elles, Ally parvient, on ne sait comment, en milieu de série, à les supprimer, et à remplir le vide qu’elles ont laissé par une autre émotion : la vengeance. Ce qui est très intéressant ici, c’est que la peur n’a pas été supprimée en tant que telle, c’est la peur de la peur qui a été brisée. La peur, elle, avec sa fureur de vivre, est préservée et convertie, pour persister dans l’existence, et non plus seulement pour résister jusqu’à l’épuisement…  Et c’est au fond, ce qu’on recherche en regardant une telle série d’horreur, et moi la 1ère : je veux transformer mon rapport à la peur, je veux l’affronter, être plus fort. Mais pourquoi ? Pourquoi vouloir ainsi se mettre à l’épreuve ? Qu’est-ce que je veux me prouver à défier ainsi ma peur, ma peur de la peur ?

Perdre la peur

Devenue l’intégrateur négatif de nos vies, notre meilleure ennemie, le mauvais objet dont on a besoin : quelle est donc cette peur que l’on aime tant détester ? Plus que le paradoxe de rendre omniprésent quelque chose que l’on rejette, plus encore que celui de transformer la peur en autre chose qu’elle-même, il y a quelque chose de pire qui me frappe dans ce rapport à la peur, c’est ce désir de se dénaturer, en pensant s’améliorer. On veut transformer un signal primaire d’alerte, de survie, de doute, pour mieux s’apprivoiser, comme si on ne supportait pas que quelque chose de soi nous échappe… A la fin de cette saison d’American Horror Story, je m’étais donc habituée au sang, aux trous et aux clowns. Mais quelle tristesse, j’avais éradiqué cette peur qui me faisait agir instinctivement, pas une part animale mais singulière, qui me faisait aimer ou pas telle ou telle chose, qui me rendait telle que je suis. Quelle tristesse, donc, j’avais définitivement perdu cette partie de moi qui m’échappait...

Sons diffusés :

  • Matthieu Ricard, 5 clés pour surmonter la peur, vidéo en ligne
  • American Horror Story, Saison 7, Episode 2 : Ally et sa peur des clowns
  • Vidéo Youtube Minutefacile.com : « comment mieux gérer ses peurs »