Qu’est-ce qu’un ami ?

Qu'est-ce qu'un ami ?
Qu'est-ce qu'un ami ? ©Getty - Malte Mueller
Qu'est-ce qu'un ami ? ©Getty - Malte Mueller
Qu'est-ce qu'un ami ? ©Getty - Malte Mueller
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Montaigne est l'auteur d'une phrase emblématique dédiée à son ami La Boétie : "parce que c’était lui, parce que c’était moi". Mais comment percer le secret de l'amitié ? Pourquoi cette personne et pas une autre ? Quel est le lien qui nous unit ?

C’est dimanche que m’est venue cette question vraiment toute simple, toute bête même : qu’est-ce qu’un ami ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est un ami, et pas moins que ça, et pas autre chose que ça ? Et qu’est-ce qui fait que telle personne n’en est pas un ou n’en est plus un, d’ami ? On connaît la phrase de Montaigne pour La Boétie, « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Mais peut-on se contenter de ça, d’une telle déclaration, d’un tel état de fait ? Pourquoi telle personne est donc pour moi un ami ?

L’ami pas aimable

Comme je l’ai dit, c’est dimanche que m’est venue cette question toute simple : qu’est-ce qu’un ami ? Et elle m’est venue parce que j’étais justement en train d’assister à une conversation entre deux amis qui s’inquiétaient pour un autre de leurs amis.

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Cet autre, appelons-le Jacques, a toujours été l’un des piliers de leur bande : née à la fac, pendant leurs études, cette bande d’amis a connu les premiers boulots, les séparations, les amours, les déménagements, des déchirements autour d’élections, et les premiers enfants, elle perdure encore maintenant, même si c’est moins intense, une quinzaine d’années plus tard.

Dans cette bande, Jacques a toujours occupé la place de celui qu’on aime railler pour ses envolées lyriques, ses jugements sans appel, sa grandiloquence un peu ridicule.
Quand ils sont plus moqueurs, ils disent même qu’il est poseur, un peu comédien, impénétrable voire insupportable.
Au fur et à mesure que j’écoutais ces deux amis parler de Jacques, je me suis donc demandé ce qu’ils pouvaient bien lui trouver : pourquoi s’en inquiétaient-ils, pourquoi Jacques était-il donc encore leur ami ?

C’est vrai après tout : s’il était insupportable, insaisissable à force de feintes, de plus en plus lointain, et même plus très sympathique, pourquoi l’appelaient-ils encore « ami » ?

Meilleur ennemi

Voilà, c’était ça ma question : qu’est-ce qui fait que, malgré tout, malgré les défauts, malgré le temps qui passe, malgré l’éloignement, un ami reste un ami ? Qu’est-ce qui, en lui, en l’ami, reste inaltérable ?

Les bronzés, le film, sont pour moi l’exemple par excellence de ces amitiés un peu paradoxales avec des gens peu sympathiques, peu à l’écoute, qui ne se voient que de temps en temps, qui manquent de tact, de délicatesse, mais avec lesquels on partage pourtant tout…

Plus que l’amour qui s’étiole sous le poids du quotidien, qui, pour un philosophe comme Pascal, tient aux qualités extérieures d’une personne, l’amitié semble avoir ce pouvoir de ne pas s’enraciner ni dans la fréquence ni dans des qualités qu’on prêterait à quelqu’un.

On peut ainsi avoir de mauvaises fréquentations ou ne voir son meilleur ami que tous les 6 mois. Paradoxalement, l’ami n’est pas forcément fréquentable ou fréquenté, et même je crois que l’ami n’est pas toujours aimable… il nous exaspère, il nous énerve, il aurait pu être un ennemi. On aime d’ailleurs le critiquer…

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Sans obligation

L’ami a donc une position vraiment particulière : notre lien à lui n’est pas naturel ni conventionnel, rien ne m’oblige à l’entretenir ou à le rompre. Pourtant, c’est avec lui que j’aime me retrouver, auquel j’aime penser, avec lequel j’aime discuter. À quoi tient ainsi l’amitié si elle n’est ni le compagnonnage ni l’amour, ni l’habitude ni la vertu ? Que partage-t-on avec un ami ?

Foucault disait qu’avec l’ami, avec un bon copain, on pouvait pratiquer la « parrhésia », ce franc-parler que l’on peut s’autoriser avec certaines personnes seulement ; j’ai déjà entendu dire, à l’inverse, qu’avec ses amis, on pouvait se permettre de ne pas se parler. Dans les deux cas, tout est un rapport d’échange, de dialogue… à ceci près qu’il s’émancipe de toute convention, de tout règlement, de toute justification, et même de toute parole.
C’est pour ça qu’on aime rire avec ses amis, sans limites, qu’on aime aussi les moquer, qu’on n’a pas peur non plus d’être premier degré, très aimant mais pas forcément aimable. Je crois ainsi que l’amitié est inaltérable justement quand on n’en fait pas une obligation. Elle est nécessaire, quand elle n’est justement pas nécessaire. 

Sons diffusés :

  • Françoise Hardy, L’amitié
  • Extrait Les bronzés font du ski
  • Henri Garat, Avoir un bon copain

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