Quel est l’art du jeu vidéo ?

Des concepteurs de jeux vidéo
Des concepteurs de jeux vidéo ©AFP - PHILIPPE DESMAZES
Des concepteurs de jeux vidéo ©AFP - PHILIPPE DESMAZES
Des concepteurs de jeux vidéo ©AFP - PHILIPPE DESMAZES
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Peinture, BD, architecture, cinéma… comment le jeu vidéo redéfinit-il les limites de l’art et de l’œuvre d’art ?

Aujourd’hui : Art et jeux vidéo, du titre du livre de Jean Zeid, notre confrère sur France Info, venu parler à ce micro de jeux vidéo. Après avoir retracé son histoire (dans un livre paru au Seuil), Jean Zeid, dans un livre grand, beau, illustré, simple et documenté, paru aux éditions Palette, aborde, cette fois-ci, le jeu vidéo dans ses rapports avec l’art. Et enfin, il n’est question de savoir si c’est un art ou pas, car ici, on part du principe qu’il a tout pour devenir celui du XXIème siècle, malgré le fait, comme c’est rappelé que seuls 7% des Français le considèrent comme un objet culturel. L’enjeu, ici, est surtout de savoir quel est cet art du XXIème siècle qu’est le jeu vidéo…  

Comment définir l’art qu’est le jeu vidéo ? Entre ses tableaux, ses architectures, sa narration faite d’aventures, de rebondissements, de dialogues et de descriptions, son récit sous formes de séquences, sa musique, sans oublier ses héros… le jeu vidéo a-t-il une spécificité ou est-il une synthèse, certes géniale, de tous les arts ? Quelle est donc son originalité, ce qu’il a et que n’ont pas les autres ? A-t-il tout (pour lui) ou n’a-t-il rien (de spécial) ? 

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Ces questions se posent parce que dans la 1ère partie du livre de Jean Zeid, il procède justement par comparaisons : peinture, BD, littérature, et bien sûr cinéma ! D’où cet extrait des Dents de la mer, forte inspiration pour les jeux vidéo en termes de marketing et d’images… La peinture, donc aussi : en quoi certains jeux peuvent rappeler le romantisme, noirceur fantastique et tourment adolescent, en quoi d’autres réactivent tout un art japonais de la gravure et du « monde flottant », en quoi encore les pixels rappellent le pointillisme ou les cubes de Minecraft le cubisme… 

De la même manière, on voit aussi que le jeu vidéo partage les tableaux successifs de la BD ou l’art de construire des espaces, propre à l’architecture. Mais qu’a-t-il alors pour lui, le jeu vidéo ? 

Une bonne manière de se demander quel est la spécificité artistique du jeu vidéo est peut-être de se pencher non pas seulement sur les différents arts, mais sur les œuvres d’art. Par définition, une œuvre d’art est un objet pensé, réalisé et achevé par un artiste qui l’a conçu, créé, et qui l’offre au regard du spectateur et non à son usage. Est-ce la même chose pour le jeu vidéo ? Oui et non, c’est un objet fini, achevé, pensé, qui se regarde, mais il est utilisé, consommé. Le jeu vidéo est un jeu qui suppose, donc, qu’on joue avec. 

Par exemple, Assassin’s Creed n’est pas un récit de séquences successives, mais un monde ouvert, qui s’explore dans tous les sens, qui implique qu’on joue avec l’espace, le temps et les épisodes. Objet achevé mais pas fermé, pas linéaire, créé autant par un concepteur que par le joueur. Le jeu vidéo, c’est ainsi l’art de l’interactivité. 

En 2017, à la salle Pleyel, vous pouviez écouter, joué par un orchestre, les grandes musiques des jeux vidéo produits par la société Bandai Namco. On pourrait voir là une manière d’élever les jeux vidéo au rang d’art, de les faire passer des salles d’arcade (qui disparaissent) à la scène ou au musée, de tous à quelques-uns. 

Mais on pourrait aussi voir l’inverse : une manière de dédramatiser les Beaux-arts. Le jeu vidéo n’est pas celui qui a du mal à rentrer dans nos définitions de l’art et d’œuvre d’art, mais celui qui fait bouger les limites de l’art : œuvre d’art achevée mais ouverte, art à la fois total et singulier, espace de jeu léger et de doutes existentiels profonds. Au final, quel art nous permet, mieux que lui, de questionner en acte l’identité, la mort, la liberté, les limites du corps, et donc l’art ?

   

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