

À mesure qu’on s’avance dans l’année, les analyses prospectives nous font déchanter.
Pour Eric Le Boucher dans Les Échos le retour de l’inflation marque un tournant de la mondialisation. La course au toujours moins-disant est finie avec la hausse générale des salaires dans le monde, ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose mais devrait avoir des conséquences sur notre pouvoir d’achat. De même que la hausse du prix des matières premières et des taux d’intérêt. L’éditorialiste du quotidien économique rappelle « que la France va emprunter 210 milliards cette année, le coût de l’argent va déjouer tous les plans de financement du futur président ». Le protectionnisme affiché du futur président américain devrait également être un puissant facteur de relance de l’inflation : « Le nationalisme veut relocaliser des emplois, ce résultat est loin d’être garanti, mais il est une certitude : les consommateurs paieront plus cher. Un iPhone produit aux Etats-Unis coûterait 2000 dollars, contre le quart pour ceux venant actuellement d’Asie. » Quand on prétend s’inquiéter des colères de la classe moyenne, cette évolution risque d’aggraver la situation, et s’il est élu, François Fillon se retrouvera devant le même problème. Comme prévu, les Républicains ont ouvert les hostilités au Congrès pour abolir la loi sur la santé « mais la question est de savoir s’ils ont la capacité de la remplacer », se demande le Wall Street Journal. Alors même que le New York Times rappelle que l’Obamacare a permis d’assurer une couverture médicale à plus de 20 millions de personnes pauvres.
Les pauvres, qui risquent une fois de plus d’être les grands oubliés de l’histoire…
C’est ce que dénonce Hélène Landemore dans L’Humanité. « Clinton et Trump, au cours de la campagne électorale, n’ont jamais parlé des pauvres. C’est une réalité tragique mais comme ils ne votent pas, cela n’intéresse personne. » La philosophe franco-américaine, maître de conférences en sciences politiques à Yale, analyse la crise de la démocratie représentative et suggère d’y développer les ressources de « l’intelligence collective » : « la diversité des manières de réfléchir et d’aborder un problème s’avère être un ingrédient essentiel de la capacité du groupe à résoudre un problème commun ». Or le système électoral aboutit à un transfert du pouvoir de délibération et de décision à un petit groupe d’experts, plus compétents que les gens ordinaires mais moins divers socialement et culturellement. Comme l’a montré Bernard Manin dans ses Principes du gouvernement représentatif, « l’élection est à double face, comme le dieu romain Janus. Elle a une face démocratique, parce qu’elle demande le consentement des gens, et un visage oligarchique parce qu’elle crée une élite ». Contre cette tendance à la formation d’une élite, et sa fâcheuse propension à se maintenir au pouvoir ou à se reproduire, Hélène Landemore évoque la procédure du tirage au sort de citoyens au sein des assemblées élues. Elle cite l’exemple islandais en 2012, où un forum national de 950 personnes tirées au sort a délibéré pour mettre au cœur de la nouvelle Constitution les valeurs et les principes retenus en amont, associant ainsi les citoyens à l’ensemble du processus et pas seulement à son terme. Car « les référendums en fin de parcours, c’est trop peu et trop tard ». Et elle insiste sur le changement d’échelle qui conditionne aujourd’hui la question démocratique, que l’on envisage encore sur la base de l’État-nation alors « qu’il faut la penser au-delà, au niveau des groupes d’États, des zones géographiques, et à l’échelle des organisations internationales ». Dans ce cadre, l’Europe doit assumer pleinement sa nature politique, notamment par une fiscalité commune.
Courrier International consacre un dossier à « 2017, l’année de tous les dangers », et l’Europe y figure en bonne place
Car trois scrutins importants, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, « pourraient bouleverser la donne politique et profiter aux populistes ». La France, en particulier, menace de « contribuer à l’instabilité d’une Europe en crise ». Pour John Gray, de l’hebdomadaire anglais New Statesman, le remède de choc, à la Thatcher, que veut appliquer le candidat Fillon, est anachronique et inadapté à la situation française car « Thatcher n’avait aucune opposition sérieuse face à elle, alors que Fillon est sérieusement menacé par Le Pen ». Et quelle que soit l’issue du duel, « une chose est sûre, l’influence de la Russie s’étendra sur le continent ». La dernière livraison de la revue France Culture Papiers propose quant à elle un dossier sur La démocratie à l’épreuve, avec l’entretien croisé de Jacques Attali et Jean Garrigues sur l’année présidentielle dans l’émission L’atelier du pouvoir. A tous ceux qui déplorent d’avoir à se prononcer par défaut depuis un certain temps dans cette consultation, Jean Garrigues rappelle que le problème est ancien. Le général de Gaulle le disait déjà : « on ne vote pas pour quelqu’un, on vote contre ». Il faut toujours qu’il y ait « cette idée d’éliminer, d’effacer le passé ».
Par Jacques Munier
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