Alep, l’apocalypse

Alep, des membres de la Protection civile après un bombardement
Alep, des membres de la Protection civile après un bombardement ©Reuters - Sultan Kitaz
Alep, des membres de la Protection civile après un bombardement ©Reuters - Sultan Kitaz
Alep, des membres de la Protection civile après un bombardement ©Reuters - Sultan Kitaz
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Que fait l'ONU, et quels sont les véritables buts de guerre de la Russie en Syrie?

Pourquoi l’ONU ne peut rien faire en Syrie ?

C’est la question posée dans les pages débats de La Croix. Alep, l’une des plus anciennes villes habitées au monde, soit depuis le VIème millénaire avant JC, dont le centre et le souk médiéval aujourd’hui pulvérisés ont été classés au patrimoine mondial de l’humanité, est soumise depuis des jours à d’intenses bombardements de jour comme de nuit. L’historienne Chloé Maurel évoque l’impuissance du Conseil de sécurité où siègent cinq pays avec un droit de véto. « C’est cette possibilité de véto qui a paralysé le conseil pendant la guerre froide, sur des sujets comme la Guerre du Vietnam ou le conflit israélo-palestinien. » Et elle estime qu’il « faudrait donner plus de poids à l’Assemblée générale de l’organisation où chacun des 193 pays membres a une voix. » Sur le site Le Monde.fr, Jean-Pierre Filiu analyse la situation créée par la présence des Russes aux côtés du régime de Bachar el Assad : « il semble de plus en plus évident que le despote syrien n’est plus maître des opérations menées en son nom sur le territoire qu’il prétend gouverner. Ce sont les militaires russes, en coordination avec les « conseillers » iraniens, qui décident au premier chef ». Il en veut pour preuve le bombardement d’un convoi humanitaire de l’ONU et de la Croix Rouge internationale, dans la nuit du 19 septembre au nord d’Alep, qui « porte toutes les marques d’une initiative du Kremlin. Il s’est poursuivi durant deux longues heures, alors même que le régime Assad avait donné son accord à l’acheminement de cette aide. Une partie des vingt civils tués sont des volontaires du Croissant rouge syrien, dont le président, Abderrahmane Attar, est un proche de Bachar al-Assad ». Le professeur d’histoire contemporaine du Moyen-Orient à Sciences Po invite à prendre en considération la vision mondialisée de l’engagement de Vladimir Poutine en Syrie. « Le président russe a parfaitement compris que le retrait ostensible des Etats-Unis hors du Moyen-Orient lui offrait le privilège de restaurer, à partir de cette région, un statut de superpuissance disparu avec l’URSS. Les intérêts anciens de Moscou en Syrie et les affinités multiples entre Poutine et Assad pèsent dès lors moins que ce grand dessein russe qui se développe depuis le Moyen-Orient vers le reste du monde. » Concernant l’offensive brutale sur Alep, il rappelle « que l’opposition et les jihadistes n’ont aucune force aérienne, tandis que l’aviation pro-Assad n’a aucun moyen de bombardement nocturne. Le raid du 19 septembre a d’ailleurs été prolongé, durant la nuit suivante, par de nouveaux bombardements aériens d’installations médicales, cette fois au sud d’Alep ». Cette stratégie de la terreur vise à « briser les derniers ressorts d’une population civile, privée de soins comme de nourriture, afin de contraindre la résistance locale à la capitulation ». Elle est coutumière de l’armée russe sous commandement poutinien, en Tchétchénie par exemple. Elle profite sur le terrain aux plus extrémistes des résistants, en l’occurrence les islamistes radicaux. « Que Staffan di Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie depuis 2014, cesse de se lamenter dans les couloirs de New York ou de Genève – conclut Jean-Pierre Filiu. Qu’il se rende sur-le-champ à Alep pour travailler à cette « paix des braves » entre Syriens de l’Est et de l’Ouest de la ville. Le défi est immense, mais si, comme l’affirme Ban Ki-moon, le destin de l’ONU est en jeu, alors cette voie doit être explorée jusqu’au bout. La Russie est en guerre en Syrie, il est temps d’en tirer toutes les conséquences, au moins diplomatiques. »

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La Russie, désormais accusée de « crimes de guerre » par les Occidentaux.

Les armes utilisées contre les civils attestent cette volonté de destruction apocalyptique : mines antipersonnel, missiles, roquettes, barils d’explosifs, de chlore et surtout les bombes à fragmentation ou au phosphore qui provoquent de gigantesques incendies. « Les 250.000 habitants des quartiers rebelles d'Alep ne reçoivent plus d'aide de l'extérieur depuis pratiquement deux mois et sont privés depuis samedi d'eau à cause des bombardements, affirme l'Unicef. Les hôpitaux « font face à une très forte pression en raison du nombre élevé de blessés et du manque de sang disponible lié en partie à l'absence de chirurgiens spécialisés dans les transfusions », a indiqué une source médicale à l'AFP. « De ce fait, les blessés les plus sérieux sont immédiatement amputés », rapporte Étienne Jacob dans le FigaroVox. Il y a bientôt un an, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 septembre 2015, le président russe trouvait dans son engagement en Syrie une occasion de sortir de son isolement diplomatique suite à la crise ukrainienne, sous couvert de lutte contre le jihadisme. Comme le soulignait alors Julien Nocetti, de l’Ifri, dans Libération, les dirigeants russes, « obsédés par leur quête de parité avec les Etats-Unis, cherchent toujours un dialogue exclusif avec Washington pour le règlement des conflits régionaux. Un Moyen-Orient pacifié diminuerait le poids russe. Tout en affirmant souhaiter une baisse de la tension dans la région, Moscou contribue avec constance à la maintenir, ce que le conflit syrien illustre à merveille. » C’était il y a un an.

Par Jacques Munier

Le poker menteur de Poutine en Syrie

New York, ONU, 28 septembre 2015
New York, ONU, 28 septembre 2015
© Reuters - RIA Novosti

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