

Le débat parlementaire sur la politique migratoire de la France aura lieu cet après-midi à l’Assemblée nationale et le 9 au Sénat.
Le site d’Alternatives Economiques publie pour l’occasion un article très documenté de Xavier Molénat sur l’immigration. Il souligne le haut degré d’instrumentalisation politique de la question dans notre pays.
Comment dans ce contexte faire entendre, par exemple, que les immigrés représentent, à tout casser, 4 % de la population mondiale ? Ou encore que c’est en Asie, et non en Europe, qu’ils sont les plus nombreux ? Et qui pourra rappeler, sans être accusé de faire un « déni de réalité », qu’ils sont souvent, dans leur ensemble, plus diplômés que la population du pays qui les accueille ?
Publicité
Devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, François Héran, le titulaire de la chaire Migrations et sociétés au Collège de France, a rappelé le 17 septembre dernier que « le nombre de titres de séjour alloués est passé de 193 000 en 2005 à 253 000 en 2018 (+ 31 %), après avoir longtemps oscillé aux alentours de 200 000 », une augmentation qui « provient essentiellement de l’explosion des titres délivrés aux étudiants pour moins d’un an : 83 000 en 2018 ». Toutefois, ce chiffre reste très inférieur à celui de « la Grande-Bretagne, qui accueille entre 200 000 et 250 000 nouveaux étudiants chaque année ». Par contre, « la migration pour motif familial a reculé de 24 % sur la période, suite aux durcissements successifs de la législation. Quant à l’immigration de travail, elle reste très limitée ». Comparée à ses voisins européens, la situation de la France n’a rien d’exceptionnel. Dans certains pays, la présence d’immigrés est certes moins forte, mais en Allemagne, au Royaume-Uni, ou en Espagne elle l’est davantage. « Partout, cependant, les habitants surestiment cette proportion » et particulièrement en France. Encore faut-il relativiser : d’après le Centre d’observation de la société, avec l’IFOP, le pourcentage de Français se déclarant « tout à fait d’accord » avec l’idée qu’il y a « trop d’immigrés en France » est beaucoup plus faible qu’on ne l’imagine, « se situant généralement entre 20 et 25 points depuis dix ans ». Et il « aurait plutôt tendance à baisser ces dernières années ».
Le sommet de Malte
Courrier international relaie un article du Corriere della Sera sur l’accord conclu le 23 septembre par la France, l’Italie, l’Allemagne et Malte pour un mécanisme de répartition des migrants. Le roulement des ports d’accueil, sur la base du volontariat, et la fixation d’un délai de quatre semaines pour la répartition des réfugiés constituent un accroc au Règlement de Dublin, qui stipule que le pays dans lequel a été formulée la demande d’asile est celui qui doit en répondre, « un principe qui pénalisait grandement l’Italie ». C’est un premier pas, estime Goffredo Buccini, qui relève cependant que l’accord « ne concerne que les migrants qui ont été secourus par les bateaux des ONG et de l’armée, et non ceux qui ont débarqué de manière “autonome”. Or, sur les quatorze mois qu’a duré le premier gouvernement de Giuseppe Conte, ces débarquements autonomes (de canots pneumatiques, de bateaux à voiles, de coquilles de noix et des boat people qui vont avec) ont représenté 91 % des arrivées (même s’ils ont été largement passés sous silence par une propagande salvinienne focalisée sur quelques dizaines de désespérés secourus par les ONG).
Autrement dit, si Salvini, qui passait son temps à étriller l’Union européenne, a relocalisé environ 4 % des migrants, la nouvelle vague du gouvernement Conte 2 pourrait arriver, à grand renfort d’embrassades et de promesses d’entraide, à en répartir 9 %.
Le bureau des retrouvailles
L’autre pays européen largement pénalisé par sa situation géographique à cet égard, c’est la Grèce. Dans Le Monde, Marie Jégo et Julia Pascual ont mené l’enquête sur l’île de Lesbos, au bord de la rupture. C’est le sort des mineurs non accompagnés qui est le plus préoccupant. Ils sont 4 400 en Grèce, dont près du quart à Lesbos. Présidente de l’ONG d’aide aux mineurs METAdrasi, Lora Pappa dénonce les interminables procédures pour obtenir un regroupement familial. Et dans la clinique pédiatrique de MSF, qui jouxte le camp de Moria, on mesure les effets de l’abandon. « La rupture familiale, c’est un traumatisme de plus », souligne Helena D’Elia, psychologue et psychanalyste au Centre Primo-Levi, dans le nouvel hebdo de La Croix. Elle évoque « un fort sentiment de culpabilité » chez les migrants qui ont perdu leurs enfants ou leurs proches en chemin. « La séparation a beau s’être faite dans un contexte dramatique et totalement subi, ils se sentent néanmoins responsables. » Marie Boëton signe un article poignant sur le « bureau des retrouvailles » de la Croix-Rouge, qui s’emploie à réunir les familles dispersées. Souvent séparées par les passeurs pour faire monter les enchères, « qui ne paierait pas – même un coût exorbitant – pour revoir les siens ? », elles ne se sont pas préparées à cette éventualité. Comme ce père afghan à la recherche de ses jumeaux d’à peine 1 an, déposant sa requête sans espoir. « On avait le sentiment qu’il voulait enregistrer ses enfants quelque part. » Et faire exister in absenti ces deux petites ombres.
Par Jacques Munier
L'équipe
- Production