"Jérusalem : Trump rallume la mèche"

Drapeaux placés dans colonie israélienne à Jérusalem-Est, 13/12/2017
Drapeaux placés dans colonie israélienne à Jérusalem-Est, 13/12/2017 ©AFP - A. Gharabli
Drapeaux placés dans colonie israélienne à Jérusalem-Est, 13/12/2017 ©AFP - A. Gharabli
Drapeaux placés dans colonie israélienne à Jérusalem-Est, 13/12/2017 ©AFP - A. Gharabli
Publicité

C'est le titre aujourd’hui à la une de Courrier international.

L’hebdomadaire relaie les points de vue de la presse israélienne, arabe et américaine. Et d’abord cette tribune d’un intellectuel palestinien de Jérusalem, Daoud Kuttab : « En trois semaines, le gouvernement des États-Unis a attaqué le peuple palestinien sur trois fronts. D’abord, le 18 novembre, l’administration a annoncé  sa décision (non retenue) de fermer le bureau diplomatique de l’OLP à Washington. Ensuite, le 5 décembre, le Congrès a voté à l’unanimité l’adoption de la loi Taylor Force, qui vise à bloquer, de 2018 à 2024, l’aide apportée à l’Autorité palestinienne, à moins que cette dernière ne cesse de verser des prestations aux familles de militants palestiniens morts au combat ou inculpés. » Enfin, avec la reconnaissance officielle par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël, c’est le projet de déménagement de l’ambassade américaine « qui va s’avérer le plus dévastateur pour les initiatives de paix ». Car pour le lauréat du Prix international de la liberté de la presse « Le message est clair : imposer aux Palestiniens la version israélienne de la paix plutôt que servir d’intermédiaire pour un accord équitable. » Pour les Israéliens comme pour les Chinois « le père Noël existe et il s’appelle Donald Trump », s’insurge Thomas Friedman dans le New York Times. Il estime que le président américain aurait pu au moins obtenir une contrepartie – la fin de la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie, par exemple – ou évoquer l’ouverture d’une ambassade dans l’État de Palestine, à Jérusalem-Est, afin de maintenir l’équilibre, conserver la légitimité des États-Unis comme médiateur dans le processus de paix, et laisser la porte ouverte aux Palestiniens. « Mais Trump est un imbécile parce qu’il n’y connaît rien et parce qu’il pense que le monde a commencé à tourner le jour de son élection. Il est donc facilement manipulable », résume le journaliste qui a couvert trente ans de diplomatie américaine. Et c’est aussi « parce qu’il ne se considère pas comme le président des Etats-Unis » mais « comme le président de ceux qui l’ont élu » qu’il « ressent le besoin de continuer à leur donner ce qu’ils veulent, en tenant ses promesses absurdes de campagne. Une fois de plus, il a fait passer une de ces promesses avant l’intérêt des Etats-Unis. » Dans l’ensemble, la presse israélienne est, sans surprise, favorable à la décision de Donald Trump mais c’est sur la forme et les conséquences qu’apparaissent les divergences. Dans le quotidien Ha’Aretz, Yossi Verter souligne que, lors de sa déclaration publique, « la carte exhibée par Trump situe clairement le futur siège de l’ambassade à Jérusalem-Ouest. Donc, on peut considérer qu’il laisse toutes les options ouvertes ». Et Aluf Benn rappelle que « le statut de Jérusalem, de par sa signification politique et spirituelle pour une large partie de l’humanité, est une affaire internationale qui ne relève pas seulement de la souveraineté des Israéliens et des Palestiniens ». 

Dominique Eddé rend hommage à un grand intellectuel palestinien dans un livre paru à La Fabrique : Edward Said. Le roman de sa pensée

Publicité

« Je voulais écrire aussi sur un sujet qui nous a taraudés et épuisés l’un comme l’autre toutes ces années : la question palestinienne », affirme-t-elle dans les pages idées de Libération en réponse aux questions de Catherine Calvet et Sonya Faure. Professeur de littérature comparée à Columbia, Edward Said est notamment l’auteur – faut-il le rappeler à cette antenne – d’un ouvrage de référence pour les études postcoloniales sur le regard porté par la culture occidentale sur les Orientaux – à travers la littérature, la peinture, voire les sciences humaines : L’Orientalisme. « Pour la première fois – résume Dominique Eddé - quelqu’un montrait, de manière méthodique, que le savoir occidental sur l’Orient se fondait largement sur un imaginaire qui inventait l’autre, sinon l’ignorait ou même le niait. » Et l’écrivaine de citer à titre d’exemple un poème de Victor Hugo à la gloire de Napoléon lors de la campagne d’Egypte : « Sublime, il apparut aux tribus éblouies / Comme un Mahomet d’Occident. » Aucun ressentiment chez ce fin connaisseur de la littérature qui citait de mémoire Virgile ou, justement, Hugo, mais une analyse serrée des représentations colonialistes véhiculées par une culture de l’exotisme. Né à Jérusalem en 1935, il fera ses études et sa carrière universitaire aux Etats-Unis, et Dominique Eddé rappelle qu’il « citait très souvent une phrase d’Adorno sur l’exil : « It’s part of morality not to feel at home in one’s home », (« Il est de bonne morale de ne pas se sentir chez soi à la maison »). Il a défendu jalousement et brillamment cet endroit de l’exil d’où l’on peut regarder partout – ajoute l’écrivaine, qui estime qu’il appartient en un sens à une famille d’humanistes en voie de disparition. D’où le titre du quotidien israélien Ha’Aretz lors de sa disparition en 2003 : Le dernier intellectuel juif. D’autant qu’Edward Said, membre dès le début du Conseil national palestinien, insiste Dominique Eddé « dénonçait l’impérialisme mais aussi les défaillances de la pensée critique arabe. La politique israélienne, mais aussi la corruption de l’Etat palestinien. Il ne cédait rien au principe de l’égalité tout en étant très sévère envers les Arabes ignorants de l’histoire de l’antisémitisme. »

Par Jacques Munier

L'équipe