Les sénateurs examinaient hier un texte sur le port du foulard islamique lors des sorties scolaires, qu’ils ont adopté.
Le projet de loi, déposé en juillet par LR entend modifier le code de l'éducation pour compléter l'interdiction des signes religieux ostensibles de la loi de 2004. Il y a peu de chances qu’il soit adopté en l’état à l’Assemblée. JM Blanquer, après avoir soufflé le chaud a fait machine arrière. Dans les pages Débats&controverses de L’Humanité Jacques Gaillot, l’ex-évêque d'Évreux et Bertrand Gaufryau rappellent que dans l’histoire de la laïcité, des républicains anticléricaux avaient milité pour interdire le port de la soutane dans l’espace public et que les élus préparant la loi de 1905 avaient écarté cette disposition jugée « trop répressive ». Toute l’ambiguïté du débat apparaît lorsque les auteurs citent ces propos de Robert Badinter sur le voile : « Quand on accompagne des enfants de confessions différentes, on ne met pas un signe religieux aussi ostensible. Ça n’est pas illégal, ça n’est pas de bonne volonté de vivre ensemble. La laïcité est une des grandes barrières au poison du fanatisme. » Donc pas besoin de nouvelle loi mais la nécessité d’approfondir « notre modèle d’accueil des différences », et notamment « grâce à l’école ». Le Monde, et c’est assez rare pour être souligné, publie les témoignages de femmes qui ont choisi de porter le voile et qui se défendent de l’instrumentalisation qu’on leur impute. Entre choix religieux et emblème identitaire, elles revendiquent une décision personnelle, bien que certaines d’entre elles « évoquent l’existence d’une pression sociale en faveur du port du foulard », notamment ces « jeunes filles qui se couvrent la tête uniquement dans leur quartier pour avoir la paix et pouvoir sortir le soir en toute liberté ». Dans les pages idées du quotidien, Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration estime que l’hystérisation du débat « sert aussi de carburant aux défenseurs inconditionnels du voile qui affirment comme une évidence indiscutable que les croyants musulmans seraient victimes d’une « islamophobie d’Etat ». Trente ans après l’affaire de Creil, il souligne à la fois l’étiolement du Conseil français du culte musulman, « pris en otage par des querelles sans fin » et qui peine à structurer une représentation des musulmans, et les réussites des pouvoirs publics, locaux comme nationaux, qui « n’ont cessé d’œuvrer à l’amélioration de la situation des fidèles », notamment par la construction des mosquées.
Même les salafistes ne connaissent pas autant d’entraves que celles infligées aux Témoins de Jéhovah, empêchés par des manifestations d’ouvrir des « salles du Royaume », soumis pendant des années à des centaines de contrôles fiscaux, ou encore à des licenciements du fait de leur conviction.
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Et face aux rassemblements place de la République contre « l’islamophobie », « personne devant l’ambassade d’Iran pour protester contre les lourdes peines d’emprisonnement infligées actuellement aux femmes qui veulent en finir avec la domination vestimentaire patriarcale ». Pour la philosophe et théologienne Razika Adnani, le voile est devenu en Europe un moyen de combat politique, car il « n’est ni un principe fondateur de l’islam, ni un principe de sa pratique » précise-t-elle sur le site Atlantico. Mais pour les conservateurs qui continuent de confondre islam et politique, dans l’espace public « une femme voilée est plus efficace pour la cause que tous les musulmans qui prient entre eux à la mosquée ou qui jeûnent ». Selon elle, une des causes de l’échec de la sécularisation malgré le « mouvement de la Nahda, ou de la renaissance, que le monde musulman a connu à la fin du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle » est du au fait que « pour garder leur pouvoir, les dirigeants des pays musulmans ont accordé des concessions aux conservateurs pour les avoirs de leur côté ». En l’absence de politique sociale, ils ont abandonné le terrain à leurs organisations de bienfaisance, leur ont aussi livré l’école et les moyens de communication. « Tout cela a contribué à la réislamisation à grande échelle des sociétés musulmanes. »
Le Figaro publie, les bonnes pages de l’ouvrage de Pierre Vermeren, Déni français - Notre histoire secrète des relations franco-arabes (Albin Michel). L’historien du Maghreb contemporain y traite notamment de « l’incapacité de l’Etat à traiter les questions que soulève l’islam en France » et « analyse, sur la longue durée, l’immigration en provenance du Maghreb et ses enjeux »
De 1962 à la guerre civile, l’Algérie a exercé l’essentiel du suivi du culte musulman en France (...) Puis, du fait de l’extrême difficulté de l’État algérien à maîtriser ses islamistes, la France a accordé des responsabilités croissantes au Maroc devenu à son tour le plus grand pourvoyeur d’imams et de fonds de l’islam en France. »
Mais « aux yeux des musulmans, la France transforme l’or en plomb dès qu’elle s’érige en gardienne du temple islamique ». Car elle persiste à penser en termes de clergé, et l’islam sunnite n’en a pas. Du coup, « C’est au Maghreb qu’auront lieu, ou pas, la réforme et la reprise en main d’un islam sorti des griffes du salafisme. »
Par Jacques Munier
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