

Il y a un an, jour pour jour, Donald Trump était élu président des Etats-Unis.
Et la presse fait le bilan calamiteux de cette année sidérante de bout en bout, à commencer par la presse américaine. Courrier International publie l’article du Washington Post (par E.J.Dionne avec Thomas E. Mann et Norman J. Orstein) qui titre « Paradoxalement, Trump a réveillé la démocratie » : « Mobilisations, actions de résistance, nouvelles coalitions… Par ses outrances et son incompétence, le locataire de la Maison-Blanche contribue, contre toute attente, à revivifier la participation citoyenne aux États-Unis. » Le quotidien en veut pour preuve les grandes manifestations mais aussi « les innombrables initiatives par lesquelles les citoyens interpellent leurs représentants » en remportant « des victoires concrètes » comme sur la réforme de la santé. Mais il y a plus : « La nécessité de contenir Trump a également donné naissance à de nouvelles formes d’organisation. Des croyants de toutes confessions se sont mobilisés en faveur des plus vulnérables et contre les mesures qui visaient les immigrants. Les juristes se sont organisés pour lutter contre les travel bans [décrets anti-immigration] du président et dénoncer les conflits d’intérêts financiers de Trump. » Et de nouvelles formes de militantisme se développent désormais : « le mouvement Indivisible, a débuté comme un guide de résistance en ligne animé par d’anciens assistants parlementaires, puis il a donné naissance à des milliers de sections locales dans tout le pays. » Enfin, signe évident d’un nouvel engagement à long terme : « la forte hausse du nombre de candidatures aux charges publiques, notamment de la part de jeunes qui avaient jusqu’ici tendance à se détourner de l’action politique ». En réponse à ses attaques contre la presse, le président a également « suscité l’émergence d’un puissant courant en faveur d’une presse libre – ainsi qu’en témoigne la diffusion en forte hausse du Washington Post, du New York Times et de nombreux autres médias ». Mais, nuance Jack Goldsmith dans The Atlantic « pour notre culture démocratique, le pronostic est plus sombre ». Le nouveau président, dit-il « a trivialisé la vie politique ». Le juriste républicain rappelle que « Les rédacteurs de la Constitution américaine voulaient créer un pouvoir exécutif puissant et indépendant, sans risquer un retour à la monarchie britannique dont ils venaient de se débarrasser. Confiants que George Washington serait le premier président et qu’il ferait bon usage de ses responsabilités, ils ont créé une fonction à la structure lâche, dotée de pouvoirs ambigus. L’article II de la Constitution confère au président le “pouvoir exécutif”, mais ne le définit pas. » D’où le développement, avec le temps, d’« une institution tentaculaire que les auteurs de la Constitution n’auraient jamais pu anticiper », et qui dépend directement de la personnalité, des compétences et des talents de dirigeant du président. Or celui-ci, dès sa campagne, « a promis d’agir illégalement ; il a dénigré les libertés d’expression, de religion et de la presse ; il s’en est pris aux immigrés et aux minorités ; il a toléré, voire encouragé, la violence lors de ses meetings. L’homme qui, le 20 janvier 2017, s’est solennellement engagé à “préserver, protéger et défendre la Constitution des États-Unis” semblait mépriser la règle de droit et être prédisposé à abuser de son pouvoir. » Le professeur à Harvard observe que « La confiance que les citoyens américains accordent à leurs institutions décline depuis un moment » et que c’est l’une des raisons pour lesquelles Trump a été élu. « Ses attaques contre ces institutions saperont d’autant plus cette confiance. La décomposition institutionnelle reflète celle de la cohésion sociale, qui est une autre cause du trumpisme et que Trump a d’autant plus fissurée. C’est peut-être la pire nouvelle pour la démocratie américaine. »
Ce qui semble indiquer que la situation est destinée à durer, et que les Européens devront en tenir compte
C’est le sens de la tribune d’Alexandra de Hoop Scheffer dans Le Monde. « Le sentiment de déclin dont s’est emparé Donald Trump pour se faire élire ne disparaîtra pas aux Etats-Unis. L’Europe doit le comprendre ». La spécialiste des relations transatlantiques rappelle que les citoyens américains estiment en général que leur pays « est malade. Le gouvernement et les institutions politiques sont identifiés comme le plus grand problème, devant la question du racisme, et bien loin devant l’économie et l’emploi. » Et pourtant ils « ont vu leurs conditions de vie se dégrader (stagnation des salaires ; un quart des Américains perçoivent moins de 10 dollars par heure ; 12,7 % de la population vit dans la pauvreté) », mais ils tiennent leurs gouvernements successifs et le Congrès pour responsables, eux qui « ont échoué à traiter ces problèmes et à maîtriser les effets de la mondialisation ». Dans ce contexte, l’Europe ne les intéresse plus et ils semblent engagés dans un processus irréversible de repli sur eux-mêmes, l’indice le plus sûr du déclin. Quant au personnage du président, l’hebdomadaire Le un consacre son édition au funeste anniversaire de l’élection et il cite Rivarol : « Un homme, par la réputation dont il jouit, donne plus souvent la mesure de ses partisans que la sienne. »
Par Jacques Munier
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