L’arsenal antiterroriste

Aux abords de l'Hotel de Police de Rambouillet, le 25 avril
Aux abords de l'Hotel de Police de Rambouillet, le 25 avril ©AFP - B. Guay
Aux abords de l'Hotel de Police de Rambouillet, le 25 avril ©AFP - B. Guay
Aux abords de l'Hotel de Police de Rambouillet, le 25 avril ©AFP - B. Guay
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Aujourd’hui, un nouveau projet de loi antiterroriste est présenté en conseil des ministres. C’est le vingtième en vingt-cinq ans.

Il renforce notamment la surveillance des personnes radicalisées et des sortants de prison, ainsi que les mesures individuelles de contrôle administratif (Micas), des outils d'assignation à résidence assortis d'un dispositif d'interdiction de présence dans un lieu ou un périmètre exposé à un " risque de menace". Présenté quelques jours seulement après l'attaque mortelle au commissariat de Rambouillet, il était destiné à garantir la protection des grands événements à venir, comme l'Euro de football ou les Jeux olympiques de 2024. Dans Le Figaro Christophe Cornevin précise que le projet de loi prend en compte les nouvelles méthodes des terroristes ainsi que les profils "psychiatriques" susceptibles de basculer dans l'action violente. "Sur le plan technologique, la durée de conservation des données informatiques devrait passer de 30 à 60 jours, afin de laisser aux experts le temps de casser les codes des messages cryptés, de plus en plus récalcitrants." Et les données de connexion captées lors de surveillances techniques pourraient être conservées cinq ans, de manière à "créer, via l'intelligence artificielle, de nouveaux logiciels et d'améliorer certains outils mis à disposition des services. "

Politiques de prévention

Le temps du législateur n’est pas celui des terroristes. Yaël Braun-Pivet, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, en a conscience, elle qui affirme que "nous sommes face à une évolution et une transformation permanentes de la menace, des auteurs et de la technologie".

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Dans Le Monde diplomatique Alex Alber, Joël Cabalion et Valérie Cohen soulignent « la faiblesse des politique de prévention ». Les sociologues reviennent sur l’échec de l’unique centre de prévention et d’insertion à la citoyenneté (CPIC) ouvert dans le cadre du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme présenté en mai 2016 par le premier ministre d’alors, Manuel Valls. Ils ont mené une enquête approfondie publiée l’an dernier sous le titre Un impossible travail de déradicalisation (Érès). 

M. Valls avait tenu à ce que le projet, censé assurer une mission de restauration républicaine, intègre un décorum patriotique et militaire. Les pensionnaires et le personnel portaient un uniforme et devaient participer à la levée des couleurs au son de La Marseillaise.

La question religieuse, pourtant centrale, est évacuée par le cadre laïque de l’institution. Pas explicitement interdite, la pratique est entravée par un emploi du temps lui laissant peu de place, ce qui sera l’occasion pour les jeunes de multiplier les entorses au règlement. Et pour les agents de songer à recruter un aumônier destiné à les aider à s’engager dans la réforme de leur religiosité. Très vite des désaccords sont apparus entre les éducateurs, "adeptes d’un travail éducatif ordinaire marqué par la relation de confiance et le développement d’un esprit critique" et la hiérarchie aux méthodes martiales. Une formatrice explique par exemple avoir privilégié en matière d’éducation civique "les grands lois de la politique sociale de la France" pour mettre en valeur ses aspects positifs, ce qui n’était pas du goût de l’encadrement, partisan d’une histoire de France sans aspérités, ponctuée par la pratique de rites collectifs.

La République doit-elle se concevoir dans un registre empruntant au sacré, au risque d’une homologie troublante avec le répertoire religieux ?

La prévention et le traitement

L’un des pensionnaires souhaitait s’inscrire sur les listes électorales du village pour voter à l’élection présidentielle mais se serait vu opposer un refus catégorique. Que peut valoir une demande d’adhésion sans reconnaissance ? Le psychanalyste Fethi Benslama a créé à l’université Paris Diderot le Centre d’études des radicalisations et de leurs traitements ( CERT). Son dernier livre paraît aujourd’hui chez Actes Sud sous le titre Le saut épique ou le basculement dans le jihâd. À partir d’études de cas, il analyse ce processus de « basculement » dans la violence extrême et la mort comme une "conjonction du récit et de l’action".

Le saut épique est pour un sujet l’événement par lequel le récit se fait action, une action est faite récit.

La "conversion", qu’elle soit le fait d’un retour à la foi ou d’une nouvelle adoption, est au centre du scénario, lequel aspire au statut de message. Les étymologies grecque et arabe des termes martyr ou chahîd renvoient au témoignage. Comprendre les ressorts psychiques du passage à l’acte permet aussi d’éclairer la prévention.

Par Jacques Munier