La table-ronde prévue lundi dans le cadre du Beauvau de la sécurité a été reportée « en raison des règles sanitaires ». Elle devait traiter des relations entre la police, la gendarmerie et l’institution judiciaire.
Et le maître mot de ces rencontres c’est la confiance, à rétablir ou développer, tout comme dans le projet de réforme de la justice dont le garde des Sceaux a évoqué les grandes lignes dans Le Point. Ce sera d'ailleurs probablement son nom : « Loi pour la confiance dans l'institution judiciaire ». Réforme de la cour d'assises, enregistrement audiovisuel des audiences « à des fins pédagogiques », suppression des crédits de remise de peine automatique accordés aux détenus, limitation dans le temps de l'enquête préliminaire, qu'il veut rendre plus « contradictoire ». Concernant la remise de peine, le nouveau système « sera fondé sur les efforts que le détenu fournira pour sa réinsertion : le travail, la formation, les soins… » Éric Dupond-Moretti ajoute qu’il « n'oublie pas non plus la bonne conduite envers les surveillants. Le juge de l'application des peines restera le pivot du dispositif », mais il veut « donner aussi un rôle plus important aux surveillants, qui ne sont pas seulement des porte-clés ». Sur l’enquête préliminaire, il estime que dans sa forme actuelle, elle a deux défauts majeurs : « elle n'est pas limitée dans le temps et n'est pas ouverte au contradictoire ».
Or j'affirme qu'une enquête menée dans le secret, sur une durée indéterminée et sans qu'il soit donné au suspect la possibilité de se défendre, est une violation des droits de l'homme.
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Il souhaite donc l’encadrer dans le temps : « deux ans maximum, avec une prolongation possible d'un an après accord motivé du procureur. S'agissant du contradictoire, si le mis en cause fait l'objet d'une audition (libre ou en garde à vue) ou d'une perquisition, un accès aux procès-verbaux lui sera assuré dans un délai maximal d'un an. » Et « si les médias font état du déroulement de l'enquête le concernant et portent gravement atteinte à sa présomption d'innocence, il pourra aussi accéder aux éléments du dossier, sans délai ».
La justice est-elle injuste ?
Dans l’hebdomadaire Le 1, Renaud Van Ruymbeke estime lui aussi que « la grande faiblesse de la justice, c'est sa lenteur », même si sa grandeur « est de prendre son temps, d'écouter, de vérifier et de donner toute leur place aux recours ». Sur les enquêtes préliminaires conduites par le parquet, secrètes et la plupart du temps déléguées aux policiers, l’ex-juge d’instruction et doyen du pôle financier au tribunal de Paris -aujourd’hui à la retraite - considère que la proposition du garde des Sceaux de la limiter à deux ans reste insuffisante.
Si l’enquête se prolonge, c’est qu’elle est complexe, et si elle est complexe, c’est qu’elle relève de l’instruction. Pourquoi attendre deux ans pour la confier à un juge d’instruction ?
C’est la question de l’indépendance de la justice qui surplombe toutes les questions, comme le montre Brice Teinturier dans ce numéro de l’hebdomadaire Le 1. En particulier à l’égard du pouvoir économique et des puissants : « un Français sur deux environ émet des doutes sur l’indépendance des juges à l’égard des intérêts économiques ». Vis-à-vis du pouvoir politique, cette indépendance fait l’objet d’encore plus de scepticisme : seulement 45 % des Français estiment qu’il s’agit d’une réalité.
Dans une enquête récente de l’Ifop réalisée à l’occasion de la condamnation de Nicolas Sarkozy, 62 % des Français déclarent que les personnalités politiques sont traitées moins sévèrement que les simples citoyens.
Et seulement 12 % qu’ils le sont plus, un chiffre à modérer encore si l’on retranche les éditocrates. « Les affaires Cahuzac, Fillon, Balkany et Sarkozy, pour ne citer que les plus récentes, n’ont donc pas véritablement modifié ce sentiment d’une justice à deux vitesses, plus dure pour les Français lambda que pour leurs responsables politiques. » estime le politiste. Des chiffres auxquels - je cite « on mesure combien la réaction de responsables LR de premier plan, critiquant la décision du tribunal correctionnel dans l’affaire Sarkozy, jugeant la peine disproportionnée et alimentant aussi une confusion entre le PNF et le tribunal correctionnel, est désastreuse, ne pouvant qu’accréditer l’idée que le monde politique cherche avant tout à se protéger et que la formation qui, depuis de nombreuses années, réclame des peines plus sévères pour les délinquants est la première à critiquer la justice quand elle touche l’un des siens. »
Par Jacques Munier
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