

Favoriser l’agroécologie, mobiliser des financements nouveaux, améliorer la lutte contre la déforestation… C’était le programme du Sommet pour la planète - consacré à la biodiversité - organisé par la France ce lundi.
C’était aussi l’occasion de souligner les liens entre ces trois crises majeures que sont le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité et la pandémie de Covid-19. La perte de la biodiversité favorise l’émergence de zoonoses, ces maladies ou infections virales qui se transmettent des animaux à l’homme, et qui se sont multipliées à notre époque. Cette édition du One Planet Summit entendait notamment soutenir plus largement la finance verte. Avec pour objectif de consacrer 30 % de la finance climat publique à des programmes visant - je cite - des « solutions basées sur la nature ». Comme l’explique Jade Lindgaard dans Mediapart, « l’expression embrasse un large spectre de situations. Mais, dans le contexte onusien, elle est inséparable de la notion de services écosystémiques, autrement dit de l’idée de rendre payant l’usage des ressources que la nature fournit aux humains ». Et elle « ouvre de fait la voie à des formes de marchandisation de la nature, puisque c’est au nom de sa valeur économique que la biodiversité devient l’objet de politiques de préservation ». Une approche néolibérale de la biodiversité, par opposition à une politique contraignante d’interdiction de la déforestation ou des pesticides - estime Frédéric Hache, directeur de l’Observatoire de la finance verte.
Les solutions basées sur la nature promeuvent la financiarisation de la nature au sens où, plutôt que d’arrêter de détruire la biodiversité, on finance des compensations à la déforestation ou à la pollution d’une rivière, par exemple.
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Mais pour Monique Barbut, cheville ouvrière du One Planet Summit, par le biais de l’Agence française de développement (AFD), la France « soutient des partenariats entre les États, le secteur privé et les organisations de la société civile, aux niveaux local et international, pour structurer le paiement pour services rendus par la conservation d’un écosystème, tels que la protection de la qualité des ressources en eau potable par le maintien ou la reconstitution d’un couvert végétal, la protection contre les inondations, l’érosion... »
« Toutes les vulnérabilités sont liées »
Par ailleurs, l’objectif de protéger 30 % de la surface terrestre (contre 15 % environ aujourd’hui) menace de déposséder des communautés locales et indigènes, comme l’ont montré « les effets catastrophiques d’une compensation conduite par le groupe minier Rio Tinto à Madagascar ». Faute de consensus, l’objectif d’extension des zones protégées dans les Océans n’a pas été abordé. Perrine Mouterde évoque dans Le Monde « une nouvelle initiative » pour la Méditerranée à l’horizon 2030 autour de quatre axes - on aime bien les axes et aussi les « piliers » dans cette visio-conférence internationale au sommet : « l’élargissement des espaces protégés, la fin de la surpêche, l’élimination de la pollution marine et du plastique à usage unique et le développement de transports maritimes plus propres ». Dans la dernière livraison de la revue Futuribles, Gilles Bœuf fait un point détaillé sur l’état de la biodiversité dans l’océan, et s’inquiète de la surpêche mondiale.
On a extirpé de l’océan entre 50 et 90% de tous les grands individus des poissons pélagiques en 15 ans !
Harengs , sardines, anchois, maquereaux, thons... qui vivent dans les eaux proches de la surface ou entre la surface et le fond, « les trois quarts de tous les stocks sont pleinement exploités ou surexploités ». L’ancien président du Muséum national d'histoire naturelle rappelle que l’océan et l’atmosphère sont en étroite connexion et « échangent de l’énergie sous forme de chaleur et d’humidité ».
L’océan absorbe la chaleur beaucoup plus que les surfaces de glace ou les continents, et stocke l’énergie beaucoup plus efficacement. Les trois premiers mètres de profondeur de l’océan stockent à eux seuls plus d’énergie que la totalité de l’atmosphère.
Des évolutions dans cet équilibre « jouent un rôle important dans le changement climatique », également parce que l’océan stocke le CO2 et atténue l’effet de serre. En contrepartie, il ne cesse de s’acidifier, enclenchant un cercle vicieux : les effets délétères sur les écosystèmes océaniques, déjà stressés par la surpêche et la pollution, engendrent des phénomènes côtiers d’eutrophisation - d’effondrement du niveau en oxygène - alors que la quantité de dioxyde de carbone y augmente.
Si le changement climatique joue un rôle direct sur les pertes de diversité biologique, celles-ci contribuent en retour au dérèglement lui-même.
Par Jacques Munier
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