La Commune n’est pas morte

"La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence" (K. Marx)
"La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence" (K. Marx) ©Getty - André Devambez
"La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence" (K. Marx) ©Getty - André Devambez
"La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence" (K. Marx) ©Getty - André Devambez
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Le 18 mars 1871, il y a exactement 150 ans, les bataillons de la garde nationale, qui participaient à la défense de Paris contre l’armée prussienne, organisent le pouvoir dans la capitale désertée par les autorités. C’est le début de la Commune de Paris.

C’est la décision de Thiers d’enlever les canons de la Garde nationale à Montmartre qui met le feu aux poudres. Quelques jours plus tard, des élections désignent une majorité de républicains mais, contrairement à la formule de Marx sur le « gouvernement de la classe ouvrière », ceux-ci ne sont qu’une minorité au sein du Conseil de la Commune : sur 81 membres, 25 ouvriers dont 13 seulement de l’Internationale - précise le premier historien de la Commune dès 1876, Prosper-Olivier Lissagaray. La grande majorité de ces élus étaient des petits bourgeois, employés, comptables, médecins, instituteurs, hommes de loi, journalistes - précise-t-il. C’est en partie ce qui fait dire à Robert Tombs dans Libération qu’il ne s’agissait pas vraiment d’une révolution, mais plutôt d’une insurrection spontanée. L’historien britannique, spécialiste de l’événement cite un confrère également reconnu, Jacques Rougerie, qui considère la Commune, plutôt qu’une « aube », comme le « crépuscule » d’une tradition révolutionnaire parisienne, qui remonte à 1789 et s’illustre dans les années 1830, ou lors des journées de juin 1848. « La fin de la Commune, c’est aussi la fin d’une pratique révolutionnaire organisée autour de la barricade » et la naissance d’un « socialisme légal » et parlementaire. 

République démocratique et sociale

Reste le bilan, en termes de réalisations concrètes ou de projets que le temps court de l’expérience - 72 jours - n’a pas permis de mener à bien, surtout en temps de guerre civile contre les Versaillais. Dans Le Monde, Roger Martelli l’esquisse à grands traits : « la Commune remet en marche les administrations, fait fonctionner les services publics, organise le ravitaillement et les soins aux blessés, assure la sécurité dans les rues ». Même les barricades sont dressées sous l’égide d’une commission ad hoc. Dans l’esprit de la « République démocratique et sociale » de la révolution de 1848, elle « confirme le moratoire des loyers dus pendant une partie du siège de Paris, décide la restitution partielle des objets déposés au mont-de-piété, réquisitionne les logements abandonnés par leurs propriétaires après le 18 mars », procède de même pour les ateliers dont elle veut confier la gestion aux travailleurs. Et surtout « elle proclame la séparation de l’Église et de l’Etat, abolit le système injuste de conscription militaire », institue l’école gratuite et obligatoire pour les filles et les garçons, met en cause l’ordre traditionnel de la famille avec la suppression de la catégorie « illégitime » pour les enfants nés hors mariage et la reconnaissance des unions libres. Dans l’excellent hors-série du mensuel L’histoire, Quentin Deluermoz insiste sur l’esprit de « l’éducation intégrale », à la fois professionnelle et intellectuelle, promue par la Commune à coup de campagnes d’affichage.

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Apprendre à l’enfant à aimer et respecter ses semblables. Lui inspirer l’amour de la justice ; lui enseigner également qu’il doit s’instruire en vue de l’intérêt de tous.

L’historien - auteur notamment d’un ouvrage sur le retentissement international de l’événement à l’époque où se développent les agences de presse - décrit le fonctionnement d’une démocratie citoyenne et participative à l’échelle des quartiers, ce qui ne va pas sans tensions entre arrondissements populaires et bourgeois. Et il relève de multiples formes de solidarité, même si elles ne valent pas forcément adhésion à la Commune. 

"La grand-ville a le pavé chaud"

L’immense majorité des écrivains de l’époque ont vilipendé la Commune, sans doute en partie par manque d’information objective sur l’événement. À l’exception notable de Jules Vallès et de Rimbaud, qui écrivait en mai 1871 à Paul Démeny la fameuse « lettre du voyant » s’ouvrant sur le Chant de guerre parisien, un « psaume contemporain ». Dans son livre sur Rimbaud, la Commune de Paris et l’invention de l’histoire spatiale, Kristin Ross analyse les poèmes politiques de Rimbaud, comme Les mains de Marie-Jeanne, un éloge de l’action révolutionnaire des femmes sous la Commune. Dans Nocturne vulgaire, un poème des Illuminations, Rimbaud fait allusion à la pratique prônée par Auguste Blanqui dans ses Instructions pour une prise d’armes : « percer les maisons » pour permettre aux insurgés de se déplacer librement dans toutes les directions.

Un souffle ouvre des brèches dans les cloisons - brouille le pivotement des toits rongés, disperse les limites des foyers.

Par Jacques Munier

LSD, La série documentaire
55 min