

Le projet de loi de réforme de la justice des mineurs était examiné hier à l'Assemblée nationale devant la Commission des lois, et il suscite un vif débat.
Son examen en séance publique est prévu à partir du 10 décembre. Il vise notamment à se prononcer plus rapidement sur la culpabilité et à aboutir au jugement dans un délai d’un an, contre 18 mois en moyenne aujourd’hui. Le but est aussi de permettre une indemnisation plus rapide des victimes. Sur le site de La Croix, Pierre Bienvault rappelle que, concernant un mineur, la phase d’instruction permet au magistrat de prononcer des mesures éducatives, en essayant de mieux cerner la personnalité ainsi que l’environnement social et familial du mineur. Sophie Legrand, juge pour enfants, souligne qu’il est « essentiel, avant de prononcer une peine, de se laisser du temps pour comprendre le passage à l’acte et voir comment le jeune se positionne avec un peu de recul par rapport à ce qu’il a fait ». Le projet prévoit également, si les faits sont établis aux yeux du magistrat, qu’il puisse prononcer immédiatement sa culpabilité, avant de le convoquer dans un délai de 6 à 9 mois pour être jugé. « Aujourd’hui, après la mise en examen, on laisse repartir le jeune en lui disant qu’il recevra ultérieurement la date d’audience du jugement. À l’avenir, il sortira du bureau avec une date déjà fixée », explique Laurent Gerber, président de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et président du tribunal pour enfants de Bordeaux. Enfin, comme le précise Jean-Baptiste Jacquin dans Le Monde, « la principale exception à cette procédure en deux temps concerne les mineurs déjà condamnés, connus du juge et de la protection judiciaire de la jeunesse. Dans ce cas, le parquet pourra demander une audience unique sur la culpabilité et la sanction ». Et c’est ce « qui cristallise le plus l’opposition des juges qui y voient l’instauration d’une comparution immédiate pour mineur », une procédure rarement synonyme de l’individualisation de la peine, « pourtant absolument centrale dans cette justice confrontée à des jeunes à l’histoire souvent cabossée et à la maturité très inégale ».
"Plus de répression, moins d'éducation"
Plus de 200 personnalités, parmi lesquelles des professionnels de l’enfance, membres d’organisations syndicales de magistrats, travailleurs sociaux et avocats, ont signé une tribune publiée sur France info, appelant les parlementaires à « s’opposer au vote » du projet de loi. Selon eux, « le gouvernement préfère dessiner un projet centré sur l’accélération de la réponse pénale, au détriment du temps éducatif » et le projet de code pénal des mineurs « ne fait que conforter un progressif abandon de la spécificité de la réponse devant être apportée aux enfants, par rapport aux adultes, vers toujours plus de répression et toujours moins d’éducation ». En outre, il ne tient pas compte de « l’indigence des moyens », alors même que la crise du Covid-19 « est venue exacerber des difficultés déjà criantes ». La date fixée pour l’entrée en vigueur du nouveau Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), le 31 mars 2021, fait aussi problème.
Les tribunaux pour enfants n’auront pas pu apurer leurs stocks et le nouveau texte imposera des délais butoirs pour les nouveaux dossiers qui seront donc paradoxalement traités en priorité, au détriment des dossiers régis par l’ancien système.
Si l’on en juge par le branle-bas de combat de la vaste opération de « déstockage » des dossiers, suite aux retards pris du fait de la crise sanitaire, on ne peut qu’en convenir. Le ministre de la justice a en effet proposé « de retirer du circuit pénal des procédures pour lesquelles les procureurs avaient déjà engagé des poursuites. » L’opération concerne les procédures les plus anciennes (lorsque les mineurs sont devenus majeurs) et les moins graves (les affaires criminelles sont exclues). Mais même la présence d’une victime dans un dossier n’empêche pas de le retirer. Un vol de téléphone portable avec violences pourrait faire partie de cette dépénalisation de procédures.
Justice confinée
La dernière livraison de la revue Délibérée, animée par le Syndicat de la magistrature porte sur les effets de la crise sanitaire sur le fonctionnement et le principe même de la justice. « Législation d’exception, recul de nombreuses garanties procédurales, administration verticale des juridictions, activité réduite des tribunaux laissant apparaître des priorisations hautement contestables, réflexe répressif... » Le constat d’une « justice déconfite » s’illustre notamment dans le « journal de bord d’un.e juge des enfants confiné.e » qui parle de « débâcle judiciaire ». Avec la réduction des audiences, difficile d’assurer la continuité de la justice notamment dans le cas des placements provisoires lorsque l’intérêt de l’enfant est en jeu.
Par Jacques Munier
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"Quand les enfants sont exposés à des pratiques sexuelles troublées (exposition précoce à la pornographie, à une sexualité adulte banalisée), ils sont susceptibles de devenir eux-mêmes victimes ou auteurs d’agissements sexuels violents. Dans le cadre des prises en charge d’auteurs d’infractions sexuelles, qui ont parfois été eux-mêmes victimes, certains professionnels peuvent se sentir démunis ou mal à l’aise… Au-delà du traitement judiciaire, ce numéro a pour ambition d’ouvrir la réflexion sur les violences intrafamiliales, l’inceste, le statut de victime et plus largement l’éducation à la sexualité."
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