Le Brexit, suites

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à la Conférence de Munich sur la sécurité, 15/02/20
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à la Conférence de Munich sur la sécurité, 15/02/20 ©AFP
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à la Conférence de Munich sur la sécurité, 15/02/20 ©AFP
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à la Conférence de Munich sur la sécurité, 15/02/20 ©AFP
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De quelques conséquences inattendues du Brexit

Le Brexit pourrait bien accélérer la réunification de l’Irlande. Le succès du Sinn Fein aux élections législatives en République d’Irlande, un parti qui milite depuis sa fondation pour l’indépendance de la totalité de l’île en est un signe fort, selon Philippe Bernard dans Le Monde

Seul parti irlandais actif des deux côtés de la frontière, le Sinn Fein cogère déjà l’exécutif régional du nord. Au sud, sa charismatique présidente Mary Lou McDonald est désormais en position de participer à un gouvernement et de pousser l’un des premiers points de son programme : la réunification. 

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À Londres, « personne n’a vu venir à quel point le Brexit allait être une affaire irlandaise ». Pourtant, la question de la frontière entre les deux Irlande a vite été au cœur des négociations et la perspective d’une réunification « a reçu un coup de pouce involontaire lorsque Boris Johnson, pour écarter le maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière européenne, a accepté que l’Irlande du Nord seule y demeure ». Un choix qui entraîne la mise en œuvre de contrôles systématiques des échanges entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et qui « érige de fait l’île d’Irlande en une entité économique cohérente, rendant crédible une éventuelle unification politique ». Rappelons que lors du référendum, 56% des Nord-Irlandais ont voté en faveur du maintien dans l’UE et que la démographie pourrait accentuer la tendance. Le prochain recensement de la population, prévu en 2021, va sans doute confirmer le recul des protestants, attachés au lien avec l’Angleterre, au profit des catholiques, traditionnels soutiens du rattachement à la République. L’autre conséquence majeure concerne la défaite du Parti travailliste aux élections générales de décembre dernier au Royaume-Uni. Parmi les raisons avancées par Chris Bickerton dans Le Monde diplomatique, outre un décalage croissant entre l’électorat populaire et celui des grandes villes, il y aurait la division entre partisans et adversaires du Brexit, qui le recoupe. Le politiste à Cambridge évoque les flottements dans le programme du parti, entre soutien au Brexit en 2017 et appel à un second référendum en 2019. 

“Rutte et les sept nains”

Sur le continent européen, le Brexit a imposé aux Pays-Bas, allié traditionnel du Royaume-Uni, de repenser leur rôle, estime Florentin Collomp dans Le Figaro. « Stratégiquement positionnés au centre du trépied Paris-Londres-Berlin, tant sur le plan géographique qu’idéologique », ils pouvaient « s’aligner sur Londres, cachés derrière les vetos bien pratiques de leur partenaire », partisans comme lui du libéralisme et de la rigueur budgétaire. Avec la Suède, le Danemark ou la Finlande, les Pays-Bas « se sont retrouvés orphelins du Brexit, relégués en périphérie. Trop grands pour se laisser marcher sur les pieds, trop petits pour peser vraiment. » Celui qu’on surnomme le « nouveau Thatcher », le premier ministre néerlandais Mark Rutte s’impose désormais comme l’homme qui dit « non » au sein des Vingt-Sept depuis le départ des Britanniques. « Il a pris la tête d’une ligue hanséatique représentante d’une orthodoxie économique partagée par d’autres petits États : Irlande, Suède, Danemark, Finlande ou pays Baltes. Pour les mauvaises langues, c’est “Rutte et les sept nains”». Avec l’Autriche ces pays revendiquent « une limitation du budget européen à 1% maximum du revenu national brut, contre une proposition de compromis du conseil de… 1,07%. Au risque de mettre en péril les ambitions affichées par Ursula von der Leyen dans son pacte vert, l’investissement dans le numérique, ou la défense européenne »… 

Défense européenne

Car le Brexit pourrait paradoxalement faire avancer le projet d’une défense européenne indépendante de l’Otan. Comme le soulignait Charles Bremner dans le Times, relayé par Courrier international, « le Royaume-Uni s’efforce de renforcer sa coopération militaire avec la France de manière à rester impliqué dans les questions européennes de sécurité à un moment où de nombreux doutes planent sur l’engagement américain envers l’Alliance atlantique ». Les deux seules nations européennes à posséder l’arme nucléaire et à siéger parmi les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies « partagent déjà leurs porte-avions et développent ensemble un projet d’avions de chasse sans pilote et de missiles nucléaires. Leurs forces armées, navales et aériennes, ont l’habitude de travailler ensemble ». C’est pourquoi, selon Michael Thumann dans Die Zeit, « L’Allemagne doit cesser de tergiverser sur la défense européenne ». À propos de la Conférence sur la sécurité à Munich, il estime qu’il en va de « la capacité de l’Europe à se défendre elle-même ».

Alors que les États-Unis jouent de moins en moins leur rôle protecteur, que les traités de désarmement tombent dans l’oubli, que la Russie installe de nouveaux missiles nucléaires capables d’atteindre Berlin, Rome et Paris, l’Europe n’a toujours pas défini de plan d’action.

C’est un néologisme qui cette année désigne l’enjeu de la conférence de Munich : “Westlessness”, “un monde sans l’Occident”.

Par Jacques Munier

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