Le plafond de verre d’Hillary Clinton

Hillary Clinton, août 2016
Hillary Clinton, août 2016 ©Reuters - Chris Keane
Hillary Clinton, août 2016 ©Reuters - Chris Keane
Hillary Clinton, août 2016 ©Reuters - Chris Keane
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Une enquête récente pour la chaîne américaine CBS donne les deux candidats au coude à coude dans l’élection présidentielle américaine.

La faute notamment à la récente pneumonie contractée par la démocrate, affirment les observateurs… Dans Le Monde le politologue Vincent Michelot propose une analyse plus affûtée. Malgré un sondage récent qui montre qu’aux yeux des électeurs elle est plus qualifiée que son rival pour la fonction – 60% contre 36% quel que soit le sujet : économie, emploi, immigration, lutte contre le terrorisme, fiscalité ou diplomatie – malgré la désastreuse aptitude de son adversaire à « l'automutilation électorale », elle peine à maintenir son avance. Différentes explications à cela, mais celle qui domine tient à la pragmatique du langage mise en œuvre dans la campagne médiatique. Avec ses coups de gueule et ses mensonges, « Trump s'est vite installé comme le "candidat post-vérité" (post-truth candidate) sur lequel les fact-checkers, les vérificateurs d'information de la presse américaine, n'ont plus aucune prise, là où la candidate démocrate est constamment ramenée à ses positions passées et sommée de justifier le moindre écart ou la plus petite déviation ». Ce qui la contraint – selon le mot d’un célèbre chroniqueur radio – à faire la campagne avec « des chaussures en béton ». Dans les mêmes pages débats du quotidien Nicole Bacharan ajoute à l’analyse un élément décisif : au-delà de l’incarnation de l'establishment que doit endosser cette fille de la petite classe moyenne, au-delà de son manque criant de charisme – alors qu’en privé, « elle se révèle enjouée, bienveillante et souvent drôle » – « la candidate souffre d'un autre handicap dont personne ne veut entendre parler : c'est une femme ». Il est significatif de constater qu’elle est plébiscitée chaque fois qu’elle joue un rôle traditionnel à cet égard : 48% d'approbation quand elle a tenté la réforme de la santé en 1994, mais 67% quand elle a soutenu son mari pendant l'affaire Lewinsky en 1998 ; 45% quand elle s'est présentée au Sénat en 2000, mais 66% quand elle servait comme secrétaire d'Etat sous la tutelle d'Obama. Aujourd'hui, l'ancienne First Lady s'obstine à sortir de son rôle et à pulvériser la barrière des genres, et son impopularité ne cesse de grimper. Il faut bien le reconnaître : une certaine Amérique a beaucoup de mal à élire une femme ». Et la spécialiste des États Unis de relever cette grinçante « ironie de l'histoire : Hillary, la mal-aimée, est opposée au pire des misogynes. Celle qui cherche à préserver sa vie privée affronte un bateleur populiste et machiste qui joue de ses outrances, un mâle dominant qui se frappe la poitrine en rugissant ».

L’hebdomadaire Le un ouvre aujourd’hui ses pages aux « nouveaux combats des femmes »

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« Il a suffi d’un vertige survenu lors des commémorations du 11-Septembre à New York pour que l’idée d’une femme présidente des États-Unis vacille dangereusement », fulmine Éric Fottorino. « C’est bien connu, les hommes malades sont des combattants que le pouvoir électrise et revigore, souvenons-nous de Mitterrand. Mais les femmes manifestant la moindre faiblesse seraient de pauvres petites choses qu’il faudrait éloigner de la cuisine politique, où il fait décidément trop chaud pour leur nature délicate. » Houda Benyamina, la réalisatrice de Divines, affirme quant à elle que « c’est avant tout une question de droits humains. Le jour où l’on parlera d’inégalités plutôt que de féminisme, on rendra la lutte universelle et on avancera. » Yannick Glemarec, en charge des programmes d’ONU Femmes, l’organisation des Nations unies consacrée à l’égalité des sexes, souligne que « la participation des hommes est absolument indispensable. On ne gagne pas un match de foot avec la moitié de l’équipe sur le terrain. Cette image est valable pour tous les changements sociaux. L’égalité des sexes est un avantage pour la société en général, donc pour les hommes aussi. » Dans l’agriculture sub-saharienne comme dans nos sociétés avancées « l’égalité homme-femme est une condition indispensable au développement durable ». Et la peur des hommes de perdre en pouvoir ce que les femmes gagnent en droits est archaïque. « Un plus grand engagement des femmes dans l’économie mène à une société plus prospère. Une participation accrue des femmes dans les décisions politiques mène à une société plus juste. » Le diplomate soutient que « l’égalité des sexes est inextricablement liée au maintien de la paix et à la sécurité à l’échelle mondiale. À l’issue d’un conflit, lorsque les femmes participent au processus de négociation et de reconstruction, les chances qu’une paix soit durable augmentent de 20% »

« Sois Nobel et tais-toi » titre Claude Vincent dans Les Échos sa recension du livre d’ Hélène Merle-Béral, professeur d’hématologie et spécialiste des leucémies, sur les 17 femmes prix Nobel de sciences.

Pour l’anecdote, Françoise Barré-Sinoussi, co-nobélisée avec Luc Montagnier pour leur découverte du virus du sida est arrivée en retard à son propre mariage, absorbée qu’elle était par une expérience en cours. L’avenir dure longtemps, disait Althusser. La femme est toujours et encore celui de l’homme

Par Jacques Munier