

L’équipe d’experts de l’OMS attendue en Chine la semaine dernière pour enquêter sur les origines du Covid19 devrait finalement pouvoir entamer sa mission jeudi.
Comme l’annonce le site de L’Express, ces experts seront d’abord placés en quarantaine, ce qui peut paraître étrange vu la fiabilité des tests de dépistage. Du coup il ne leur restera que trois semaines pour enquêter. Ça fait des mois que le régime de Pékin repousse le principe même d'une enquête internationale. Et beaucoup de questions demeurent quant au programme de cette mission : les experts « auront-ils accès au marché de Huanan considéré comme l'épicentre de l'épidémie, qui a été fermé, désinfecté et totalement barricadé depuis un an ? » Michael Ryan, chef du programme d'intervention d'urgence de l'OMS, assurait à la mi-décembre que l'équipe ira à Wuhan. « Nous travaillerons avec nos collègues chinois, ils ne seront pas (...) supervisés par des fonctionnaires chinois » précisait-il. Mais pour l'infectiologue Gregory Gray, le délai imposé par la Chine va compliquer la tâche des chercheurs pour retrouver les premières traces de l'infection et l'origine du virus. C’est pourtant crucial pour prévenir la réapparition d'une épidémie et orienter les mesures de prévention vers telle ou telle espèce animale. « Les experts travailleront à partir d'échantillons prélevés par des scientifiques chinois. Si l'enquête devait être entravée par les autorités, "cela aurait un impact négatif sur la réputation politique et scientifique de la Chine", avertit le professeur Gregory Gray, de l'Université Duke aux États-Unis. »
Premier défi : la frontière chinoise
La thèse officielle avancée sans l’ombre d’une preuve soutient que l’épidémie aurait été introduite en Chine depuis l’étranger et Pékin ne livre que peu d'informations sur les échantillons prélevés à Wuhan. Dans ce contexte, Alexandra Phelan, avocate spécialisée en santé mondiale de l’université de Georgetown, estimait dans le Washington Post, relayé par Courrier international, que les scientifiques de l’équipe internationale « n’ont peut-être pas l’expérience nécessaire “pour naviguer dans les eaux politiques agitées” de la Chine. »
Ce n’est pas que la Chine et les dirigeants chinois veulent des éloges ; c’est qu’ils ne veulent pas de critiques.
Pourtant, l’OMS avait été contestée dès le début de l’épidémie pour « avoir adhéré à la version chinoise sans aucun recul et tardé à déclarer l’urgence sanitaire mondiale ». Dans Le Figaro, Renaud Girard rappelle que son « souci de ménager la Chine populaire lui a même fait commettre une faute en décembre 2019 : elle a refusé de prendre en compte une alerte circonstanciée sur le danger du nouveau coronavirus, envoyée par le ministère de la Santé de Taïwan, sous prétexte que l’île n’est plus membre de l’OMS, ayant perdu son siège à l’ONU en 1971 en faveur de la Chine continentale. » La question se pose : « que cherche donc à cacher la Chine dans cette affaire ? » Et de rappeler qu’à l’Institut de virologie de Wuhan, on menait « des recherches sur les possibilités de saut à l’espèce humaine de coronavirus portés par les chauves-souris », dont témoigne « un reportage télévisé sur une grande chaîne chinoise relatant ces prouesses scientifiques. » Une telle zoonose « a-t-elle fini par survenir, à la faveur d’un accident de laboratoire ? » En 2018, des attachés scientifiques de l’ambassade américaine à Pékin avaient visité l’institut de Wuhan, et dénoncé « les conditions de sécurité du laboratoire P-4 ». Même si jusqu’à présent, rien ne la prouve, l’hypothèse d’un virus provenant d’un laboratoire chinois n’a toujours pas pu être écartée.
Diplomatie sanitaire
Comme l’indique Le Point, à Wuhan, on ignorait complètement l'anniversaire du premier mort, le 11 janvier 2020. Même son nom « n'a jamais été rendu public. On sait simplement qu'il s'agit d'un homme de 61 ans qui fréquentait le marché Huanan pour faire ses courses. » Zhang Zhan, la lanceuse d’alerte qui avait montré dans des vidéos l'inaction des autorités locales de Wuhan au début de la pandémie, a été jugée coupable de « provocations de troubles » et condamnée à 4 ans de prison. Et en Afrique, la Chine déploie sa « diplomatie sanitaire » en tentant de s’imposer face à ses rivaux occidentaux dans la course aux vaccins. Le Covid-19, vecteur du « soft power » de Pékin en Afrique : pour Le Monde, Joan Tilouine a suivi la tournée africaine du ministre chinois des affaires étrangères. Dernière étape en date : la République démocratique du Congo, dont le chef d’état s’apprête à prendre la présidence tournante de l’Union africaine. L’enjeu : la construction du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, sans doute aussi pour l’équiper de systèmes informatiques destinés à en aspirer les données, comme cela avait été le cas au siège de l’Union africaine.
Par Jacques Munier
À lire aussi l'enquête de Yann Faure et Yves Sciama sur le site Reporterre
"Et si la pandémie était née dans des élevages intensifs d’animaux à fourrure en Chine ? Le « chainon manquant » entre la chauve-souris et l’humain pourrait bien être le vison — le chien viverrin est également suspecté. Ceci expliquerait la volonté tenace de la Chine — premier producteur mondial de fourrure — de verrouiller l’information scientifique."
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