C’est la Journée internationale des droits des femmes, l’occasion de faire le point sur l’état des inégalités de genre dans nos sociétés modernes, à commencer par la France.
« De plus en plus diplômées, les femmes ont investi le monde du travail : plus de 85% d’entre elles occupent un poste, et l’univers des employés est désormais très féminisé. Elles continuent cependant d’effectuer l’essentiel des tâches ménagères. » Le constat est signé Hervé Le Bras dans la revue Zadig. Diplômées, les femmes le sont davantage que les hommes : 27% ont suivi au moins trois ans d’études après le bac contre 19% des hommes. Il faut comparer le taux de 85% de femmes ayant un emploi à celui des années 1960, où moins d’une femme sur deux était dans ce cas. Mais le démographe relève un premier paradoxe.
Alors que les femmes sont nettement plus diplômées que les hommes, elles sont nettement moins souvent cadres et font moins souvent partie des professions libérales.
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Plafond de verre ou « syndrome de l’imposteur » - la difficulté à se sentir naturellement légitime ? Pourtant, souligne Hervé Le Bras, « leur prédominance numérique au sein de la population diplômée tient au fait que, pour concurrencer efficacement les hommes, elles doivent être plus diplômées qu’eux ». Un facteur important d’inégalité, outre la discontinuité introduite dans les carrières par les grossesses et le soin des petits, réside dans leur rôle domestique, qui continue d’être très mal partagé avec leur conjoint. Ce qui entraîne souvent du travail à temps partiel, pour 28% d’entre elles, contre seulement 5% pour les hommes.
Charge mentale
C’est pourquoi Najat Vallaud-Belkacem et Sandra Laugier estiment urgent de prendre des mesures pour lutter contre les causes culturelles et structurelles des inégalités de genre. L’ancienne ministre de l’Éducation et la philosophe viennent de publier La Société des vulnérables : leçons féministes d’une crise (collection Tracts, Gallimard). La première observe que dans le monde, les femmes « ont eu près de deux fois plus de risque de perdre leur emploi à cause de la crise sanitaire » quand la seconde relève que les publications des chercheuses « ont chuté d’au moins 30% ». Najat Vallaud-Belkacem raconte que lorsqu’elle était ministre des droits des femmes, elle rencontrait des femmes « épuisées » qui « finissaient presque par envier la situation de leur mère ». Laquelle avait une place reconnue dans la société comme mère au foyer, alors qu’aujourd’hui, tout en conservant « les contraintes d’une maîtresse de maison », elles sont d’abord jugées sur leur vie professionnelle, même si elles sont précaires ou mal payées. La loi sur la parité en politique, les quotas de femmes dans les conseils d’administration du CAC 40 ont fait évoluer la situation mais restent des mesures ponctuelles, des « mécanismes correcteurs » dont la portée est limitée.
Politique des quotas
On parle aujourd’hui d’étendre ces quotas aux instances dirigeantes, véritables lieux de décision dans l’entreprise, les conseils d’administration ayant un rôle d’enregistrement. Une proposition de loi devrait être déposée la semaine du 15 mars. Le patronat s’est dit opposé à cette mesure, souhaitant que les sociétés puissent fixer elles-mêmes leurs objectifs de parité. Dans La Croix L’Hebdo, Cyrielle Thevenin souligne que la répartition des métiers restant très sexuée, il ne faudrait pas cantonner les femmes dans des fonctions de communication ou de ressources humaines alors qu’elles peuvent apporter une vision nouvelle en termes de stratégie ou d’intégration des objectifs de RSE, la responsabilité sociale et environnementale.
"Féminisme washing"
Après le « green washing » viendrait le « féminisme washing », « l'affichage d'un féminisme de façade, utilisé comme outil de promotion », voire de vente de produits fabriqués par des femmes sous-payées dans des pays pauvres, prévient Laure Daussy sur le site de Charlie Hebdo. Elle s’entretient avec Léa Lejeune, journaliste économique à Challenges, de son enquête sur le sujet parue aux Éditions du Seuil : Féminisme washing, « un petit manuel pour résumer tous les outils à notre disposition ». Et par exemple
Le Haut conseil à l’égalité prône l’éga-conditionnalité des aides publiques, c’est-à-dire des aides conditionnées au respect femmes/hommes dans l’entreprise.
Une nouvelle revue vient de paraître, La Déferlante, pour suivre les vagues successives du féminisme. On peut y lire un bel échange entre Annie Ernaux et la réalisatrice Céline Sciamma. Dans un article sur Simone de Beauvoir, Manon Garcia rappelle la suite de la célèbre formule « on ne naît pas femme, on le devient ».
Ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin...
Par Jacques Munier
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