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Pendant les grandes manœuvres des partis en vue des législatives, on peut s’interroger sur l’avenir de la politique.

Dans les pages Débats&Controverses de L’Humanité, Philippe Marlière pose la question de la stratégie à adopter pour la gauche. Il rappelle que le score qu’elle a réalisé cette fois-ci est nettement inférieur à celui du précédent scrutin présidentiel. Les candidatures rassemblées de Mélenchon, Hamon, Arthaud et Poutou ont recueilli 27% des voix contre 41% pour les candidats de gauche en 2012. Et « sans la présence de Macron, le candidat de l’Élysée, le vote Hamon ne se serait probablement pas effondré, ce qui n’aurait pas permis au vote Mélenchon de monter aussi haut ». Aujourd’hui, celui-ci semble décidé à imposer à la gauche un ralliement sous sa bannière. « Après avoir terrassé le PS, il espère prendre la direction de la gauche », comme le montre l’échec des pourparlers avec les communistes. Mais pour Philippe Marlière, « il est permis de douter qu’une telle démarche puisse être couronnée de succès car les élections législatives ne sont pas de nature plébiscitaire comme l’élection présidentielle. » Mieux vaudrait tenter de « rassembler la gauche dans sa diversité » : communiste, écologiste, libertaire et socialiste de gauche pour former « une alliance démocratique et pluraliste ». Pour François Cusset, dans Les Inrockuptibles, « un peuple de gauche plus large pourrait maintenant retrouver le désir de politique ». Selon lui, avec Macron nous serions entrés dans l’ère de la post-politique : le « réalisme économique défendu avec le sourire par le vainqueur », le « clivage moral dramatisé » pour empêcher l’avènement du pire, le FN, « tout ça éliminait la politique, le rapport de forces, qui du coup s’est retrouvé dans les invectives de rue et aux tables des dîners ». Le thème de la post-politique n’est pas réellement nouveau. L’historien des idées rappelle « le vieux fantasme technocratique du XIXème siècle, présent dans le corps des ingénieurs ou chez Saint-Simon, celui d’un dépassement de la politique dans la compétence ». C’est aussi l’idée de La République du centre, un livre de la fondation Saint-Simon écrit dans l’orbite de la campagne présidentielle de 1988, alors que François Mitterrand faisait la promotion d’un gouvernement de technocrates compétents « qui prendrait ce qu’il y a de mieux à droite et à gauche pour fabriquer une position post-idéologique, réconciliée, vouée à la seule efficacité ». Mais la question politique demeure, sous une forme « à la fois philosophique, éthique, écologique et sociale », elle va au-delà du court-terme imposé par l’équilibre des comptes publics, elle peut être résumée ainsi : « comment habiter le monde ? »

Et c’est bien à un retour à la politique qu’invite la lettre ouverte de Laurent Berger au nouveau président de la République

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« Sans la démocratie sociale, la démocratie politique est impuissante » affirme le secrétaire général de la CFDT dans Le Monde. « Partagez le pouvoir ! Donnez de l'air à notre société ! Laissez de l'espace aux organisations dont la mission est de faire entendre la voix de ceux qui n'en ont pas » écrit-il. Et en rappelant « les conditions particulières » de son élection il souligne qu’elles l’obligent certes à tenir compte de ceux qui l’ont soutenu, mais aussi de ceux qui ont voté pour lui, « non par adhésion à son programme, mais par rejet du Front national ». Construire un monde de progrès et de justice sociale « est un projet à mener au niveau européen – poursuit le syndicaliste – si la convergence économique et fiscale est indispensable, l'Union européenne doit avant tout être plus sociale et créer de la solidarité entre Etats, mais aussi entre citoyens européens. De nombreuses initiatives pourraient le permettre, comme la garantie de salaires minimums en Europe, ou d'une assurance-chômage européenne. » Enfin, pour créer des emplois de qualité, « une nouvelle réforme du code du travail, surtout si elle est menée sans concertation, ne peut pas être une recette miracle ».

Le recours aux ordonnances pour réformer le code du travail fait débat dans le monde syndical

Luc Bérille, le secrétaire général de l’Unsa estime dans La Croix que ce n’est pas la méthode appropriée « pour légiférer, surtout quand il s’agit d’un sujet aussi sensible, qui met en jeu des questions d’équilibre et de justice ». D’autant qu’on peut « s’interroger sur la pertinence d’une nouvelle réforme du code du travail » alors que nous sortons à peine de la loi El Khomri et « qu’il reste à prouver que la réforme du marché du travail est vraiment la clé du retour à l’emploi ». Selon le syndicaliste, le gouvernement devra faire la preuve de sa volonté de dialogue. « Dans un processus législatif classique – rappelle-t-il – nos interlocuteurs sont à la fois le gouvernement et les parlementaires. Dans le cas d’un recours aux ordonnances, notre seul interlocuteur pour faire valoir nos demandes est le gouvernement. » En l’absence « d’une réelle concertation entre l’exécutif et les partenaires sociaux – conclut le secrétaire général de l’Unsa – le gouvernement risque de mettre en difficulté les syndicats réformistes et d’apporter de l’eau au moulin des contestataires ». Suivez mon regard…

Par Jacques Munier

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