

Au menu du journal des sciences : une molécule qui provoque la douleur "à la demande", un spray nasal autorisé contre la migraine aux Etats-Unis, une estimation de la masse des mammifères sauvages sur Terre et la découverte controversée d’un matériau supraconducteur.
On sait que la douleur représente un enjeu majeur de santé publique. Elle est la première cause de consultation médicale. En France, on estime qu’une personne sur cinq souffre de douleur chronique. Seulement, les analgésiques disponibles manquent soit d'efficacité, soit présentent beaucoup d’effets secondaires. Il est donc essentiel d’en développer de nouveaux.
Une molécule pour contrôler la douleur par la lumière
Mais la recherche scientifique se heurte à plusieurs problèmes, autant éthiques que méthodologiques. Éthiques, bien sûr, parce que provoquer une douleur chronique et régulière chez un animal est un problème. Ensuite, il n’existe pas de protocole établi pour l’induction de la douleur dans des modèles animaux, c’est-à-dire que l’on sait la mesurer, mais on sait mal la provoquer, et pour finir, lorsqu’on la provoque, les animaux quels qu'ils soient ne réagissent pas de manière équivalente.
Pour pallier ces problèmes, ces chercheurs et chercheuses ont développé une molécule qui agit comme un interrupteur, ON/OFF, sensible à la lumière. C’est ce que l’on appelle l’opto-pharmacologie, la pharmacologie avec de la lumière. Cette molécule, nommée LAKI, est sans effet particulier si l’organisme dans laquelle on l'a injecté est dans la lumière visible ou dans le noir. Mais sous une lampe UV, LAKI va changer de conformation : sa forme est modifiée, et elle va activer les neurones de la douleur !
Résultat, la lumière permet grâce à LAKI de provoquer “à la demande” une douleur chez des vers entiers ou seulement dans la patte d’une souris. Et cet effet est rapidement réversible.
Entretien avec Guillaume Sandoz, directeur de recherche au CNRS, à l'institut de Biologie Valrose du CNRS de l’INSERM et de l’Université de la côte d'azur, et coauteur de cette publication parue dans Nature Communications.
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Un nouveau médicament contre la migraine a été approuvé aux Etats-Unis
Il s'agit du Zavzpret, un spray nasal censé être efficace plus rapidement que des médicaments par voie orale et qui permet leur prise en cas de nausées ou vomissements. Un essai clinique de phase 3, randomisé et en double aveugle, a été publié le mois dernier dans la revue The Lancet Neurology. Deux groupes de 600 personnes chacun ont utilisé ce spray ou un placebo dès qu’elles présentaient un accès de migraines.
Résultat, la douleur est davantage soulagée chez les patients du groupe médicament comparé au groupe placebo, 24% contre 14 %... une légère différence, mais significative. Et l’efficacité peut être décelée dès 15 minutes après la prise. Aucun effet secondaire grave n’a été notifié, mais le nombre de personnes étudiées est encore faible.
Les essais vont se poursuivre, mais il faut le mentionner, la migraine représente un marché colossal. Et c’est Pfizer qui commercialise le médicament. Le géant pharmaceutique a acheté, l’année dernière, Bioheaven Pharmaceuticals à l’origine du développement de la molécule pour 11,6 milliards de dollars. Pour l’instant, aucune demande d’autorisation sur le marché n’a été enregistrée en Europe.
Tout autre chose, une estimation de la masse des mammifères sur Terre
En combinant données de terrain et machine learning, ces scientifiques qui publient dans PNAS estiment que les mammifères sauvages terrestres représentent 20 millions de tonnes. Les mammifères marins représentent quant à eux le double, soit 40 millions de tonnes.
Si le nombre en lui-même ne dit pas grand-chose, il faut le comparer aux restes des mammifères. Et ce que cela montre, c’est que la part des mammifères sauvages ne représente qu’une infime fraction de l’ensemble des mammifères. Elle est largement surpassée par la masse des humains et des animaux domestiques ou d'élevage. Les humains pèsent à eux seuls 390 millions de tonnes et le bétail près de 630 millions de tonnes. Cette première estimation pourrait servir de référence pour suivre la dynamique de la faune mondiale et selon les auteurs, ces résultats rendent compte d’un envahissement du monde naturel, ils appellent donc à une intensification des efforts de conservation de la nature.
La découverte controversée d’un matériau supraconducteur
Un supraconducteur est un matériau qui conduit parfaitement le courant électrique, sans aucune résistance et donc perte d’énergie. Ce phénomène de supraconductivité a donc énormément d’applications. Seulement, il n’apparaît qu’à très basse température, ce qui nécessite un refroidissement très important des matériaux, proche du zéro absolu, soit -273 °C.
On cherche donc intensivement un matériau qui puisse montrer ces capacités dans des conditions de température plus douces. Ces chercheurs et chercheuses rapportent, dans une publication parue dans Nature, avoir rendu un matériau supraconducteur, en l'occurrence en mélange d’hydrogène, d’azote et de lutécium à haute pression certes, mais à température ambiante, autour de 20 °C.
Seulement, l’auteur principal de ces travaux, Ranga Dias de l’Université de Rochester a déjà vu une de ses précédentes publications être rétractée, donc retirée d’un journal parce que la méthodologie utilisée avait été remise en cause. La prudence est donc de mise, d’autant plus que le taux de succès de fabrication de ce matériau semble assez bas, de 35 % seulement, ce qui signifie qu’il sera probablement difficile de reproduire leurs résultats.
Merci à Guillaume Sandoz pour ses précieuses explications.
Pour aller plus loin…
- L’étude sur l’interrupteur à la douleur (Nature Communications, en anglais)
- L’étude sur le spray contre la migraine (The Lancer Neurology, en anglais)
- Pfizer autorisé à vendre un spray nasal contre la migraine (Les Echos)
- L’étude sur la biomasse des mammifères sauvages (PNAS, en anglais)
- Qui domine la terre ? les mammifères sauvages sont largement dépassés par les humains et les animaux domestiques (Science, en anglais)
- L’étude sur le matériau supraconducteur à température ambiante (Nature, en anglais)
- L’étude rétractée de Ranga Dias (Nature, en anglais)
- Un supraconducteur à haute température accueilli avec tiédeur (Le Monde)
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