En Pologne, les électeurs du PiS plébiscitent le "bon changement"

A Szydłowiec, petite bourgade rurale au sud de Varsovie, les habitants ont plébiscité le PiS lors des élections nationales
A Szydłowiec, petite bourgade rurale au sud de Varsovie, les habitants ont plébiscité le PiS lors des élections nationales ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
A Szydłowiec, petite bourgade rurale au sud de Varsovie, les habitants ont plébiscité le PiS lors des élections nationales ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
A Szydłowiec, petite bourgade rurale au sud de Varsovie, les habitants ont plébiscité le PiS lors des élections nationales ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
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L'Europe se pince le nez quand elle regarde le PiS, le parti Droit et Justice au pouvoir en Pologne. Elle a ouvert une procédure inédite pour risque de violation grave de l'état de droit. Pourtant le PiS, décrié à Bruxelles, gagne encore en popularité. Nous avons voulu comprendre pourquoi.

Avec
  • Georges Mink directeur de Recherche émérite au CNRS, directeur d'études et responsable du programme d'études interdisciplinaires européennes au Collège d'Europe (campus de Natolin, Pologne)
  • Jean-Yves Potel Historien, politologue.

C'est une plongée au cœur de l'électorat polonais du PiS que nous vous proposons. Le parti Droit et Justice, dirigé par Jarosław Kaczyński, accapare tous les pouvoirs : il domine le Parlement, commande au président et au Premier ministre. Depuis deux ans et demi, Jarosław Kaczyński a entrepris de réformer totalement la société polonaise. Il a placé ses hommes à tous les niveaux de l'armée; les médias publics sont aux ordres; la justice (tribunal constitutionnel, tribunaux de droit commun) voit son indépendance attaquée. L'éducation n'échappe pas à ce "bon changement", le slogan du PiS. Les manuels d'histoire sont réécrits pour en gommer Lech Walesa et les historiens s'inquiètent du risque d'entrave à la recherche avec la loi mémorielle sur les événements de la Seconde Guerre Mondiale. Les opposants sont quant à eux qualifiés de traîtres au vrai patriotisme incarné par le PiS.

Le PiS caracole pourtant en tête des sondages. Alors que de nouvelles élections se profilent à l'automne, il est même encore plus populaire aujourd'hui qu'hier, quand il est arrivé au pouvoir, crédité de quelque 40 % des intentions de vote. Pour comprendre ce qui fait son succès, nous sommes allés dans la Pologne des campagnes, qui a voté davantage PiS que les grandes villes. Notre voyage nous emmène notamment à deux heures de train de Varsovie dans une petite ville rurale, Szydłowiec. À travers la vitre, dans le froid de ce mois de février se succèdent forêts et vergers, paysages recouverts de neige, peu d'habitations, encore moins de centres urbains. 

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A Szydłowiec, on vote pour un maire de la PO (plate-forme civique d'opposition), mais le canton a plébiscité le PiS lors des dernières élections.  Justyna et Dariusz Jakubczyk applaudissent notamment la politique sociale du PiS qui s'adresse aux petites gens et évitera à leurs enfants de s'expatrier pour trouver un meilleur revenu en Europe, assurent-ils. Il s'agit de la mesure "500 +", des allocations familiales de 500 zlotys, (125 euros environ), une somme conséquente en Pologne versée pour chaque enfant à partir du deuxième. Ils apprécient de voir que le parti tient ses promesses et fustigent la corruption qui avait cours lors des années précédentes. 

Justyna et Dariusz Jakubczyk, un couple d'entrepreneurs de Szydłowiec a voté PiS et s'en félicite
Justyna et Dariusz Jakubczyk, un couple d'entrepreneurs de Szydłowiec a voté PiS et s'en félicite
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

L'Église polonaise a eu un rôle actif dans la promotion du Parti Droit et Justice. Plus au sud, à quelque 200 kilomètres de Szydłowiec, dans les Basses-Carpates, la tradition catholique est encore plus affirmée et c'est, avec la décommunisation, l'un des ressorts de ce vote pour le PiS explique le père Jan Szczupak.

Le Père Jan Szczupak de la plus ancienne église de Rzeszów dans les Basses Carpathes
Le Père Jan Szczupak de la plus ancienne église de Rzeszów dans les Basses Carpathes
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Le PiS a aussi joué avec succès la carte du peuple contre les élites, celle des perdants de la croissance économique, car la hausse des revenus n'a pas profité de manière égale à tous, des laissés pour compte, ceux qui ont eu peur de perdre leur identité dans la modernisation accélérée du pays, dans la course pour intégrer l'Union Européenne.

La thérapie de choc, les mesures ultralibérales ont creusé les inégalités. Mais les classes moyennes aussi sont sensibles aux sirènes du PiS. Dans les petites villes, on applaudit la réforme de la justice qui permet de "décommuniser", de s'attaquer à une "caste de privilégiés", on se réjouit de l'instauration d'allocations familiales et d'un discours ferme sur l'immigration ou face à l'Europe. Réunis dans un café de Szydłowiec, Ireneusz Wiatrak, Malgorzata et Wlodek Gorecki, les patrons du lieu et Slawomir Nojek ont voté PiS pour la première fois lors des élections de 2015 et ils ne le regrettent pas

Ils ont voté PiS pour la première fois lors des dernières élections et ne le regrettent pas (2ème personne en partant de la droite, Alain Dubuy, assurait la traduction)
Ils ont voté PiS pour la première fois lors des dernières élections et ne le regrettent pas (2ème personne en partant de la droite, Alain Dubuy, assurait la traduction)
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Mais au-delà des bénéfices sociaux, au-delà des valeurs de la famille et de la patrie remises à l'honneur, au-delà de la lutte contre la corruption, du patriotisme économique, de la décommunisation, un discours porte les Polonais soutenant le PiS : celui de la fierté retrouvée d'une Pologne enfin souveraine qui s'affirme en Europe et veut parler d'une voix aussi forte que la France ou l'Allemagne. Cette Pologne, fière de sa croissance économique et de son niveau d'éducation, n'accepte plus d'être regardée de haut, tancée par l'Union. Elle veut décider pour elle-même. Et le PiS, à la différence de ses adversaires de la PO, a réussi à capter cette aspiration des Polonais à la reconnaissance. Une Pologne qui va fêter le centenaire de sa création, une Pologne occupée par les nazis puis sous domination communiste, sensible à ce que l'un de nos interlocuteurs qualifie de "politique des symboles".

Le PiS profite enfin de l'atonie de l'opposition, de l'absence d'une figure capable de porter un autre discours, de faire rêver les Polonais qui ne se suffisent plus de la simple appartenance à l'Union européenne. 

Avec la complicité d'Alain Dubuy à Szydłowiec et l'assistance de Romain Su à Varsovie et Rzeszów.