La victoire de Benoît Hamon à la primaire allait dit-on entraîner une hémorragie d'élus socialistes vers Emmanuel Macron ? Le PS allait exploser, lui dont on a si souvent pronostiqué la fin au gré d'expressions comme "l'astre mort", "le grand cadavre à la renverse", ou "la coquille vide". Enquête.
- Patrick Lafarge Politologue
- Thibaut Rioufreyt Chercheur en sciences politiques à Sciences-Po Lyon, auteur de « Les socialistes français face à la troisième voie britannique », ed. PUG (Presses Universitaires de Grenoble)
C’est une victoire très franche, très nette. Avec presque 18 points de plus que son adversaire, Benoît Hamon s’est imposé dimanche dernier comme le vainqueur incontesté de la Primaire à gauche. Manuel Valls est sorti K.O. de ce duel, malgré les innombrables soutiens dont il bénéficiait dans l’appareil du Parti socialiste, au Parlement et au sein du gouvernement. La carte électorale est en effet cruelle : l’ancien Premier ministre l’emporte uniquement dans quatre départements – dont deux en Corse, l'Aude et les Pyrénées-Orientales - ainsi qu’en Outre-Mer. Partout ailleurs soit dans plus de 90 départements, c’est le député de l’Essonne qui se trouve largement en tête. Raz-de-marée venu de la base avec une participation en hausse entre les deux tours : puisque on dépassait dimanche les 2 millions d’électeurs.
Comment maintenant capitaliser sur cet engouement du peuple de gauche pour gagner la course à l’Elysée ? C’est le défi qui attend les « hamonistes » comme on les appelle déjà. Et pour le relever, il leur faudra conquérir le cœur du PS. Or le parti est menacé d’éclatement. Certes on le dit depuis 20 ans. Lui dont les forces reposent, plus que jamais sur les « élus », après l’érosion massive de ses effectifs. On sait qu’au moins 40 000 militants ont rendu leur carte du PS depuis 2012. Ceux qui sont à jour de cotisation, les fidèles, comptent bien sur l’appareil politique socialiste pour retrouver leurs sièges à l’issue des prochaines échéances électorales. La plupart de ces militants se sont montrés légitimistes, soutenant la ligne hollando-vallsiste.
Que vont-ils faire maintenant qu’un frondeur, un ancien Ministre de l’Education qui à peine sorti du gouvernement a même refusé de voter le « volet recettes » du budget 2015 ? Que vont-ils faire maintenant que cet homme qui s’est montré longtemps critique à l’égard de l'Elysée est devenu leur champion officiel ?
Il y a bien sûr l’alternative Macron, mais l’hémorragie annoncée de députés socialistes qui auraient fui massivement vers « En marche » ne s’est pas produite. L’aile droite du parti continue à menacer mais que représente-t-elle vraiment ?
Du côté des électeurs, il semble bien que les « sociaux-libéraux » fidèles à la ligne vallsiste soient finalement assez peu nombreux. Il y a quelques mois déjà en mars 2016 une note de Luc Roubaud pour le CEVIPOF, laboratoire de Sciences-Po, montrait bien qu’à peine 7% des électeurs de gauche se sentaient vraiment des convictions libérales. Depuis la primaire a démontré cette réalité. Mais pourtant le Parti Socialiste est-il prêt à embrasser une ligne allant des frondeurs aux mélenchonistes en passant par les Verts ?
Magazine de la rédaction signé Ludovic Piedtenu avec Sophie Delpont. Réalisation Annie Brault.
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