Chrétiens persécutés et pourchassés, yézidis victimes d'un génocide méthodique de la part des hommes de Daech. Une présence plusieurs fois millénaire est en train de s'effacer d'Irak. Réfugiés dans le Kurdistan irakien, ils témoignent de leur impossibilité de revenir vivre sur leurs terres.
- Pierre-Jean Luizard Historien des islams au Proche et Moyen-Orient arabe, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’Irak
Reportage de Marie-Pierre Vérot, réalisé par Annie Brault
Les bruits de la guerre s'estompent en Irak et l'Etat islamique est en passe d'être chassé. Nous sommes allés à la rencontre des chrétiens et yézidis d'Irak, minorités persécutées par les soldats de Daech dans leur folle entreprise pour établir un califat.
Il fait plus de 40 degrés sur les montagnes et les plaines arides du Kurdistan irakien en ce mois de septembre. Dispersés dans des camps, jetés dans des abris de fortune loin de toute aide, au bord des routes ou dans des bâtiments en construction, chrétiens et yézidis d'Irak nous parlent des souffrances qu'ils ont endurées, de leurs inquiétudes pour l'avenir. Des reportages réalisés dans les lieux où l'association Elisecare leur vient en aide.
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Dans le camp de Darkar, tout au nord du Kurdistan irakien, non loin de la frontière turque, près de 7 000 yézidis ont trouvé refuge, essentiellement des femmes et des enfants. Les hommes ont été massacrés ou sont restés dans la montagne pour protéger la région. Avant les chrétiens, les yézidis font partie des populations les plus anciennes de Mésopotamie, adeptes d'un système religieux syncrétique. Leur histoire est une longue suite de persécutions.
Dès 2014, Daech se livre à un véritable génocide, une tentative d'effacement de leur culture et de leur religion. Les hommes sont tués, les enfants enrôlés, les femmes réduites en esclavage. Combien sont morts ? Plusieurs milliers sans doute mais il est difficile d'obtenir un chiffre fiable. Beaucoup ont fui. Il ne resterait plus que quelques dizaines de milliers de yézidis au Kurdistan contre plus de 300 000 avant la guerre.
Comme tant d'autres, Amr et Fawaz, 10 et 13 ans, n'arrivent pas à oublier ces images de corps décapités par les hommes en noirs. Ils ont perdu leurs proches sauvagement assassinés.
Nadjma a récemment échappé à ses "maîtres" de l'Etat islamique après avoir été revendue dix fois. Un récit qui révèle l'organisation froide et implacable de Daech dans sa volonté d'éradiquer un peuple.
Comme Nadjma plusieurs milliers d'anciennes esclaves sexuelles de l'EI ont pu rentrer dans leur communauté grâce aux paroles historiques prononcées par leur guide spirituel baba Cheikh.
Les chrétiens ont souvent eu le temps de s'enfuir avant l'arrivée de l'EI mais ils ont tout perdu et se sentent aujourd'hui oubliés. Ces chrétiens assyriens, chaldéens habitent la plaine de Ninive depuis près de deux millénaires. Pourchassés, exilés, dispersés, seront-ils toujours présents demain ? "Mon peuple est fatigué", nous dit une Arménienne.
A Tel Eskof, brièvement occupé par l'Etat islamique, les maisons sont encore debout et quelques familles chrétiennes commencent à revenir.
Mais à quelques kilomètres de là, le village de Batnaya n'est plus qu'un amas de ruines. Occupé plus de deux ans par les combattants de Daech, théâtre d'une féroce guerre de reconquête l'hiver dernier, Batnaya porte les stigmates du conflit.
Chacun égrène les noms des villages où il a fallu fuir, chaque fois plus loin. L'histoire se répète et se répètera, prédit le Père Emmanuel pour qui la présence millénaire des chrétiens dans la plaine de Ninive est aujourd'hui en train de s'effacer.
L'Irak multiethnique et multiconfessionnel a-t-il vécu ? Que restera-t-il de la mosaïque de peuples qui le constituait ? Comment les différentes forces politiques vont-elles partager le pouvoir?
Des questions qui traversent le magazine et avec en plateau, Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du Moyen Orient
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