Quel avenir pour les communautés chrétiennes et yézidies en Irak ?

Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien, soutenus par l'association Elisecare
Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien, soutenus par l'association Elisecare ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien, soutenus par l'association Elisecare ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien, soutenus par l'association Elisecare ©Radio France - Marie-Pierre Vérot
Publicité

Chrétiens persécutés et pourchassés, yézidis victimes d'un génocide méthodique de la part des hommes de Daech. Une présence plusieurs fois millénaire est en train de s'effacer d'Irak. Réfugiés dans le Kurdistan irakien, ils témoignent de leur impossibilité de revenir vivre sur leurs terres.

Avec
  • Pierre-Jean Luizard Historien des islams au Proche et Moyen-Orient arabe, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’Irak

Reportage de Marie-Pierre Vérot, réalisé par Annie Brault

Les bruits de la guerre s'estompent en Irak et l'Etat islamique est en passe d'être chassé. Nous sommes allés à la rencontre des chrétiens et yézidis d'Irak, minorités persécutées par les soldats de Daech dans leur folle entreprise pour établir un califat.

Publicité

Il fait plus de 40 degrés sur les montagnes et les plaines arides du Kurdistan irakien en ce mois de septembre. Dispersés dans des camps, jetés dans des abris de fortune loin de toute aide, au bord des routes ou dans des bâtiments en construction, chrétiens et yézidis d'Irak nous parlent des souffrances qu'ils ont endurées, de leurs inquiétudes pour l'avenir. Des reportages réalisés dans les lieux où l'association Elisecare leur vient en aide.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Un checkpoint dans le Kurdistan irakien
Un checkpoint dans le Kurdistan irakien
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Dans le camp de Darkar, tout au nord du Kurdistan irakien, non loin de la frontière turque, près de 7 000 yézidis ont trouvé refuge, essentiellement des femmes et des enfants. Les hommes ont été massacrés ou sont restés dans la montagne pour protéger la région. Avant les chrétiens, les yézidis font partie des populations les plus anciennes de Mésopotamie, adeptes d'un système religieux syncrétique. Leur histoire est une longue suite de persécutions.

Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien
Des réfugiés yézidis dans le nord du Kurdistan irakien
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Dès 2014, Daech se livre à un véritable génocide, une tentative d'effacement de leur culture et de leur religion. Les hommes sont tués, les enfants enrôlés, les femmes réduites en esclavage. Combien sont morts ? Plusieurs milliers sans doute mais il est difficile d'obtenir un chiffre fiable. Beaucoup ont fui. Il ne resterait plus que quelques dizaines de milliers de yézidis au Kurdistan contre plus de 300 000 avant la guerre.

Des fillettes yézidies réfugiées au Kurdistan irakien
Des fillettes yézidies réfugiées au Kurdistan irakien
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Des fillettes yézidies dans le camp de réfugiés de Darkar dans le nord de l'Irak
Des fillettes yézidies dans le camp de réfugiés de Darkar dans le nord de l'Irak
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Comme tant d'autres, Amr et Fawaz, 10 et 13 ans, n'arrivent pas à oublier ces images de corps décapités par les hommes en noirs. Ils ont perdu leurs proches sauvagement assassinés.

Des enfants yézidis rescapés de Daech, dans le camp de Darkara au Kurdistan irakien
Des enfants yézidis rescapés de Daech, dans le camp de Darkara au Kurdistan irakien
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Nadjma a récemment échappé à ses "maîtres" de l'Etat islamique après avoir été revendue dix fois. Un récit qui révèle l'organisation froide et implacable de Daech dans sa volonté d'éradiquer un peuple.

Nadjma et Nadjwa, deux anciennes esclaves de l'Etat islamique aujourd'hui soignées par Elise Boghossian (au centre) dans une clinique d'Elisecare
Nadjma et Nadjwa, deux anciennes esclaves de l'Etat islamique aujourd'hui soignées par Elise Boghossian (au centre) dans une clinique d'Elisecare
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Comme Nadjma plusieurs milliers d'anciennes esclaves sexuelles de l'EI ont pu rentrer dans leur communauté grâce aux paroles historiques prononcées par leur guide spirituel baba Cheikh.

Baba Cheikh, le guide spirituel de la communauté yézidie a pris une "fatwa" historique en 2014
Baba Cheikh, le guide spirituel de la communauté yézidie a pris une "fatwa" historique en 2014
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Les chrétiens ont souvent eu le temps de s'enfuir avant l'arrivée de l'EI mais ils ont tout perdu et se sentent aujourd'hui oubliés. Ces chrétiens assyriens, chaldéens habitent la plaine de Ninive depuis près de deux millénaires. Pourchassés, exilés, dispersés, seront-ils toujours présents demain ? "Mon peuple est fatigué", nous dit une Arménienne.

A Tel Eskof, brièvement occupé par l'Etat islamique, les maisons sont encore debout et quelques familles chrétiennes commencent à revenir.

Des habitants chrétiens de retour à Tel Eskof d'où l'Etat islamique a été chassé
Des habitants chrétiens de retour à Tel Eskof d'où l'Etat islamique a été chassé
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Mais à quelques kilomètres de là, le village de Batnaya n'est plus qu'un amas de ruines. Occupé plus de deux ans par les combattants de Daech, théâtre d'une féroce guerre de reconquête l'hiver dernier, Batnaya porte les stigmates du conflit.

Une tranchée, ligne de front, où se sont opposés les peshmergas aux combattants de Daech
Une tranchée, ligne de front, où se sont opposés les peshmergas aux combattants de Daech
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Un slogan de l'Etat islamique sur le mur d'une maison de Batnaya aujourd'hui "libérée"
Un slogan de l'Etat islamique sur le mur d'une maison de Batnaya aujourd'hui "libérée"
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
La ville chrétienne de Batnaya détruite par les combats
La ville chrétienne de Batnaya détruite par les combats
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Batnaya détruite lors des combats contre l'Etat islamique qui a occupé le village pendant plus de deux ans
Batnaya détruite lors des combats contre l'Etat islamique qui a occupé le village pendant plus de deux ans
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Cette maison chrétienne de Batnaya porte le signe de son appropriation par l'Etat islamique
Cette maison chrétienne de Batnaya porte le signe de son appropriation par l'Etat islamique
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Isaac, un agriculteur chrétien de Batnaya découvre sa maison incendiée
Isaac, un agriculteur chrétien de Batnaya découvre sa maison incendiée
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Dans le salon de la maison d'Isaac, à Batnaya, l'Etat islamique a couvert les murs de slogans
Dans le salon de la maison d'Isaac, à Batnaya, l'Etat islamique a couvert les murs de slogans
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

Chacun égrène les noms des villages où il a fallu fuir, chaque fois plus loin. L'histoire se répète et se répètera, prédit le Père Emmanuel pour qui la présence millénaire des chrétiens dans la plaine de Ninive est aujourd'hui en train de s'effacer.

Dans le camp de réfugiés chrétiens d'Ankawa, près d'Erbil
Dans le camp de réfugiés chrétiens d'Ankawa, près d'Erbil
© Radio France - Marie-Pierre Vérot
Des commerçants chrétiens dans le camp de réfugiés d'Ankawa, près d'Erbil. leur maisona  été incendiée et ils nb'ont plus de quoi reconstruire
Des commerçants chrétiens dans le camp de réfugiés d'Ankawa, près d'Erbil. leur maisona été incendiée et ils nb'ont plus de quoi reconstruire
© Radio France - Marie-Pierre Vérot

L'Irak multiethnique et multiconfessionnel a-t-il vécu ? Que restera-t-il de la mosaïque de peuples qui le constituait ? Comment les différentes forces politiques vont-elles partager le pouvoir?
Des questions qui traversent le magazine et avec en plateau, Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du Moyen Orient

L'équipe