Plus de la moitié des maires élus en 2014 ne souhaitent pas se représenter en 2019. Cette crise des vocations met-elle en péril le socle du pacte républicain qui se joue entre les maires et les administrés ?
- Christian Robache Maire de Montévrain
- Gilles Bataillon Sociologue, directeur d’études à l’EHESS, spécialiste de l’Amérique latine, l’Amérique centrale et du Mexique
- Kevin Parthenay Professeur de sciences politiques à l'Université de Tours, chercheur associé à l'OPALC/CERI
- David Lefèvre (maire) Ancien maire de Friville-Escarbotin
- Martial Foucault Professeur de sciences politiques et directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po
- Kim Aumonier Ex-membre du Collectif Guatemala et consultante en droits humains
La fonction de maire traverse une grave crise. Après le décès lundi dernier du maire de Signes (Var), percuté par un fourgon, le Sénat lance une grande consultation nationale afin d'interroger les maires de France sur les dangers auxquels ils s'exposent durant leur mandat. Cette consultation fait écho aux résultats mis en lumière par une grande enquête du Cevipof en 2018. Balancés entre résignation et incertitudes, les élus des quelques 35 000 communes françaises attendent les réponses du gouvernement qui planche actuellement sur un projet de loi intitulé Engagement et proximité.
Tous deux maires, Christian Robache et David Lefèvre dressent un inventaire des problèmes les plus courants qu'ils rencontrent dans le cadre de leurs fonctions :
Les exigences des gens sont de plus en plus affolantes. C’est très problématique de réagir vite pour nous, alors qu’on nous enlève toujours plus de dotations… Nous avons une véritable difficulté à nous projeter à moyen ou à long terme avec de moins en moins de moyens et une société de plus en plus exigeante.
C'est la fonction du maire qui doit être bien précisée, pour Christian Robache : maire n'est pas un emploi ou un métier. David Lefèvre souligne par ailleurs la polyvalence de son rôle et revient sur le sens de son engagement :
Il n’y avait pas de dimension politique à mon engagement. Ma candidature et ma décision de devenir maire procédaient simplement d'une volonté d'être associé aux décisions de ma commune. Être maire c'est bien sûr gérer les deniers de la commune mais aussi, dans mon cas, devoir aller récupérer des vaches perdues dans un champ un dimanche… On n'est pas forcément bien formé pour savoir tout gérer.
Martial Foucault explique d'abord cette crise des vocations par les nouveaux effets de la décentralisation. Les maires ont en effet l'impression que le sens de cette politique a changé : elle ne constitue plus un projet politique destiné à libérer la décision locale mais apparaît plus comme un projet économique et managérial pour rationaliser l’offre de services publics. Par ailleurs, les exigences accrues des administrés à l'égard de leurs maires témoignent d'un rapport nouveau au politique.
Il est désormais établi que les citoyens vivent le politique de façon de plus en plus individualiste. Cette place prépondérante de la satisfaction des besoins immédiats de l'individu, qui a d'abord touché la consommation, les secteurs marchands, s'est étendue au politique.
Avec Martial Foucault, directeur du Cevipof, David Lefèvre, ancien maire de Friville-Escarbotin (Picardie Maritime), Christian Robache, maire de Montévrain (Seine-et-Marne).
- Pour en savoir plus
Les Origines du populisme, livre auquel a participé Martial Foucault
Présidentielle au Guatemala : une élection sans espoir ?
Aujourd'hui a lieu le second tour des élections présidentielles au Guatemala. Emaillée de nombreux incidents, la campagne électorale a conduit à l'éviction de la candidate Thelma Aldana, qui aurait pu porter un espoir de refondation démocratique pour le pays. Pour le second tour des élections s'affrontent la sociale-démocrate Sandra Torres et le conservateur Alejandro Giammattei. Aucun des deux candidats n'envisage de revenir sur la décision du président sortant de relever de ses fonctions la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig).
Il convient d'abord de revenir sur l'accord sur le droit s'asile conclu avec Washington par le président Jimmy Morales le 25 juillet. Le texte prescrit le droit, pour les demandeurs d’asile aux Etats-Unis, d’être acceptés sur le sol américain. Morales s’est ainsi vu reprocher d’être la marionnette de Trump, et l'accord n'a finalement pas pu être signé.
Le Guatemala devait constituer ainsi, pour les Etats-Unis, un pays « tiers sûr ». Honduriens, Salvadoriens, Guatémaltèques qui souhaitaient émigrer vers les USA auraient pu réaliser les démarches de demande d’asile au Guatemala et non plus aux Etats-Unis. Pour Gilles Bataillon, l'accord signifie simplement l'énorme influence et l'énorme pression que les Etats-Unis exercent sur le Guatemala.
Il ajoute que l'organisation sociologique du pouvoir empêche la tenue d'élections légales et la transition démocratique du pays :
Beaucoup de cellules de pouvoir sont constituées par des militaires qui sont dans les affaires et qui vivent de la mainmise sur un certain nombre de trafics comme la drogue ou le racket des migrants… La conviction qu'il vaut mieux avoir des gardes privés pour se protéger qu'une police limite le développement d'un Etat de droit au Guatemala. Ces élites issues de groupes militaires vivent tout à fait à part dans le pays.
Pour Kevin Parthenay, la fin de la Cicig rend d'autant plus dramatique l'avenir du pays :
Le non-renouvellement du mandat de la Cicig signifie la fin de la seule institution capable de déconstruire l’oligarchie qui pèse dans ce pays.
Avec Gilles Bataillon, sociologue, directeur d'études à l'EHESS, Kim Aumonier, ex-membre du Collectif Guatemala et consultante en droits humains et Kévin Parthenay , docteur en science politique de SciencePo, docteur associé au Ceri, spécialiste de l’Amérique centrale.
Musique : Pussy Riot, "Chaika"
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