Si ça ne va pas très fort aujourd'hui, dites-vous que vous auriez pu être Candide, cet ouvrage de Voltaire dont le titre complet est Candide ou l'optimisme.
Vous auriez pu être Candide ou plus exactement Pangloss, puisque Pangloss, le maître de Candide, défend une sorte de méthode Coué de la philosophie, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais le Candide de Voltaire est un Coué défait, il est la preuve, page après page, qu'une vision angélique n'a rien à faire dans notre monde, en somme que le pessimisme est la meilleure manière de ne pas se tromper.
Dans cette quête initiatique, Candide va d'horreur en horreur, ce qui est bien, puisque comme le dit Pangloss, "les malheurs particuliers font le bien général, de sorte que plus il y de malheurs particuliers, et plus tout est bien". Candide va de malheur en malheur, rien ne lui est épargné, à commencer par le tremblement de terre de Lisbonne qui avait tant marqué Voltaire, tremblement de terre intervenu en 1755, où des dizaines de milliers de Lisboètes trouvèrent la mort.
Lorsqu'ils sentent le sol se dérober sous leurs pieds Candide et son maître tentent de comprendre la cause de cette catastrophe. "Quelle peut être la raison suffisante de ce phénomène disait Pangloss". Le monde obéit forcément à un certain déterminisme... Au travers de Pangloss, c'est la philosophie désespérément optimiste de Leibniz que Voltaire vise.
Pour Leibniz, c'est Dieu a créé le monde, et puisque Dieu est parfait, le monde est nécessairement le meilleur possible – le mal occupe quelques îlots dans un océan de bien. Candide s'adresse également à un autre optimiste avec lequel Voltaire veut ferrailler, Jean-Jacques Rousseau.
Le tremblement de terre de Lisbonne avait inspiré un poème à Voltaire, un poème qui s'adresse aux, "philosophes trompés qui criez tout est bien".
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes
Direz-vous c'est l'effet des éternelles lois
Qui d'un dieu libre et bon nécessitent le choix
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes
Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes.
Dans ces vers, Voltaire vise aussi Rousseau, lui qui croit en une divine providence. A tous ces philosophes optimistes, Candide entend montrer par la satire que l'histoire, presque toute l'histoire est une suite d'atrocités inutiles. Mais Candide est aussi une critique féroce du fatalisme, d'une philosophie déterministe pour laquelle le monde ne peut pas être autrement qu'il est.
D’où la célèbre phrase qui sert de conclusion au texte, "cela est bien, mais il faut cultiver notre jardin". Il y a bien sûr l'idée selon laquelle le bonheur doit trouver un sens modeste, le bonheur de la créature plutôt que celui de la divinité. Mais il y a aussi l'idée selon laquelle l'homme est capable de façonner sa propre histoire, malgré les malheurs et les vicissitudes, il existe une possibilité pour lui de rendre le monde, et sa vie agréable.
Le bonheur sur terre, ça n'est pas le château dont part Candide mais une petite métairie, c'est aussi la capacité pour l'homme de se cultiver lui-même, autrement dit de se changer – conte initiatique, Candide montre d'abord la métamorphose de Candide.
Et maintenant, bonne journée puisque vous n'êtes pas Pangloss.
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