

Alors que le 15 novembre, la population mondiale a atteint le cap des huit milliards d’individus, Le Meilleur des mondes s’intéresse à une question qui nous concerne tous : comment repenser les technologies qui nous permettent de nous nourrir ?
- Jeanne Oui Docteure en sociologie et chercheuse post-doctorante à l’IRISSO de Paris Dauphine
- Henri Biès-Péré exploitant agricole, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), chargé des questions numériques
- Thomas Borrell Chargé de mission scientifique chez l’Atelier Paysan
Aujourd’hui, le métier d’agriculteur souffre d’un déficit d’attractivité majeur. Pourtant en parallèle, ce même domaine n’échappe pas à l’expansion du numérique : cette profession est-elle réellement réticente au numérique ? Est-ce que l’usage de ces nouvelles technologies est susceptible d’attirer les nouvelles générations, et de mettre un terme au vieillissement de la profession agricole ? Comment s’est organisé le déploiement des nouvelles technologies dans le secteur ?
Des questions auxquelles répondront Jeanne Oui, docteure en sociologie et chercheuse postdoctorante à l’IRISSO de Paris Dauphine, le chargé de mission scientifique chez l’Atelier Paysan, Thomas Borrell et Henri Biès-Péré, exploitant agricole et vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), chargé des questions numériques.
Agritech : quelles promesses pour quelle réalité ?
Alors que la COP27 s'achève en ce mois de novembre 2022, François Saltiel s’intéresse cette semaine à l’évolution et l’implantation du numérique dans le domaine agricole, et tout particulièrement à l’« AgriTech », un terme mis en avant par le gouvernement et introduit aujourd’hui dans le dictionnaire agricole.
Aujourd’hui, le numérique s’invite de plus en plus dans les exploitations et dans le rythme de travail des agriculteurs. Les données traitées offrent plus de traçabilité à l’agriculteur, et les outils technologiques devraient lui permettre en théorie de mieux s'organiser pour accroître leurs rendements. Pour illustrer cette idée, Henri Biès-Péré, exploitant agricole, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), témoigne : « Sur mon exploitation, la salle de traite est encore gérée par la main de l’homme qui branche les machines. Cependant, il y a en permanence un enregistrement des données : en fonction du lait qui est produit par chaque vache, j’ajuste l'alimentation de chacune d'entre elles. Tout est enregistré, je peux ainsi tracer la fabrication de mon lait et ensuite partager les données au fabricant de fromage qui m'achète le lait. »
Thomas Borrell, chargé de mission scientifique chez l’ Atelier Paysan, s'oppose lui, à ce déploiement technologique et défend le modèle de l’agroécologie. Pour lui, l’"AgriTech" perpétue un modèle productiviste à l'origine des problématiques liées au réchauffement climatique : « On a des technologies qui viennent sauver un système d'agriculture industrielle et d'agriculture chimique, en offrant le moyen de continuer à utiliser des pesticides ou des engrais de synthèse dont on sait à quel point ils sont décriés aujourd'hui. Ce nouveau système technologique va permettre d’utiliser moins de produits, mais sans chercher à modifier radicalement l'approche. Ce qui est pourtant quelque chose dont on aurait besoin à la fois en termes d'impact écologique, d'impact sanitaire et aussi en termes de ressources, parce que nous avons des ressources limitées dans lesquelles on est en train de puiser. »
Une profession fortement informatisée
Malgré l’arrivée de nouvelles technologies qui transforment les façons de travailler et de produire, la profession agricole est familière depuis longtemps des pratiques numériques. La docteure en sociologie et chercheuse post-doctorante à l’IRISSO de Paris Dauphine, Jeanne Oui, recontextualise : « Le secteur agricole, en tant que secteur professionnel, est un des secteurs qui a été informatisé le plus tôt, notamment à partir des années 70, avec les premiers logiciels qui sont diffusés aux exploitations agricoles afin d'informatiser la comptabilité et la gestion de ces exploitations. »
Cependant l'adoption des outils technologiques n'est pas homogène dans la profession : certains refusent de s'équiper par choix, d'autres par manque de moyens. Jeanne Oui l’explique : « Il y a vraiment des phénomènes d'adoption très inégaux selon les exploitations. Ces processus d'informatisation touchent principalement les exploitations les mieux équipées, les mieux fournies à la fois en termes de ressources financières, d'accompagnement technique et de conseils. Cependant, il y a une image de modernité qui est associée à ces technologies, et une forme de revalorisation de la profession d’exploitant agricole au niveau des usagers qui utilisent ces outils-là. »
Les invité(e)s
Henri Biès-Péré, exploitant agricole, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), chargé des questions numériques
Thomas Borrell, chargé de mission scientifique chez l’Atelier Paysan
Jeanne Oui, docteure en sociologie et chercheuse post-doctorante à l’IRISSO de Paris Dauphine
Une émission en partenariat avec Numerama. Retrouvez chaque semaine les chroniques de Marie Turcan et Marcus Dupont-Besnard.
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- Heloïse RobertStagiaire