Pollution numérique : la grande illusion du virtuel ?

Un centre de données (data center en anglais) est est un lieu regroupant des équipements constituants du système d'information d'une ou plusieurs entreprise
Un centre de données (data center en anglais) est est un lieu regroupant des équipements constituants du système d'information d'une ou plusieurs entreprise ©Getty - Luza studios
Un centre de données (data center en anglais) est est un lieu regroupant des équipements constituants du système d'information d'une ou plusieurs entreprise ©Getty - Luza studios
Un centre de données (data center en anglais) est est un lieu regroupant des équipements constituants du système d'information d'une ou plusieurs entreprise ©Getty - Luza studios
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La moindre interaction réalisée sur internet, du like sur Facebook au message anodin sur Whatsapp, parcourt des milliers de kilomètres avant de parvenir à notre destinataire. Data centers, câbles sous-marins, satellites : et si la promesse de légèreté du cloud n'était qu'une grande illusion ?

Avec
  • Inès Leonarduzzi Fondatrice et directrice de Digital For The Planet
  • Félix Blanc Docteur en science politique spécialiste de la gouvernance sur internet
  • Guillaume Pitron Chercheur associé à l'IRIS, journaliste et réalisateur de documentaires, spécialiste des matières premières

Ce soir nous tenterons de faire une toute petite pause dans nos vies connectées pour mieux comprendre l’ampleur de la pollution numérique provoquée par nos échanges virtuels.  Des mails, des likes, des photos… Que coûtent à la planète le transit et le stockage de nos données numériques ? 

Contrairement à ce que nous pouvons penser, elles n’ont rien de virtuelles… Des data center aux câbles sous-marins en passant par les satellites ou les clouds, les fameux nuages… Toute cette infrastructure n’a rien de léger, bien au contraire.  

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Comment l’industrie de la Tech nous a-t-elle fait croire que le numérique était synonyme d’écologie et de pureté ? Le système de préservation de nos datas en constante expansion est-il soutenable à long terme ? Comment imaginer une alternative ?  

Pour répondre à nos questions nous recevons Guillaume Pitron, journaliste, auteur de L’Enfer numérique : voyage au bout d’un like (Ed. Les liens qui libèrent, 2021), Inès Leonarduzzi, fondatrice et directrice de Digital For The Planet et auteure de Réparer le futur, du numérique à l'écologie (Ed. L’Observatoire, 2021) et Félix Blanc, docteur en science politique, spécialisé dans la gouvernance des câbles sous-marins. 

La matérialité de nos vies virtuelles

S’il est courant d’assimiler le secteur numérique à la sobriété écologique et à la dématérialisation, de nombreuses études et rapports réalisés par des organismes tels que l’Ademe, The Shift Project ou encore Green Peace ont permis d’alerter sur l’impact écologique et la consommation énergétique des infrastructures qui sous-tendent nos vies virtuelles. Pour Guillaume Pitron, la persistance de nos croyances sur la neutralité écologique de nos vies virtuelles s’explique notamment par le design des objets numériques :  

La seule façon que nous avons de nous connecter au réseau, c’est à travers cet objet connecté, le téléphone portable. On va avoir quelque chose de beau, qui nous empêche de comprendre la saleté ; on va avoir quelque chose de simple à utiliser, qui en fait masque la complexité du réseau. Guillaume Pitron, journaliste

Toutes les actions réalisées sur internet (réserver un billet d’avion, commander une pizza, liker une photo etc.) ont un coût énergétique : ces actions génèrent des données qui transitent sur des milliers de kilomètres avant d’être traitées ou stockées dans des centres de données ou data centers. Guillaume Pitron a enquêté pendant deux ans pour révéler l’impact environnemental de ces infrastructures. Il détaille le parcours d'un simple like facebook : 

Il va voyager sur des milliers de kilomètres, il va emprunter des antennes, des box wifi, des câbles sous terrains, des câbles sous-marins (puisque les câbles passent sous la mer, bien davantage que dans les airs par satellite). Il va être stocké dans des centres de données – les fameux data centers – donc c’est un voyage vertigineux que j’ai découvert et que j’ai essayé de remonter pendant deux ans. » Guillaume Pitron, journaliste

Même si nous ne le savons pas forcément, de nombreux data centers ou centres de données sont présents dans nos espaces urbains : à Paris dans le quartier du marais, à la Courneuve ou encore à Marseille, les « nouvelles usines digitales » sont partout. 

Il y en a plusieurs qui sont apparus dont notamment les bâtiments Martha à Marseille, des anciens sous-marins de l’armée nazie. Cette base sous-marine a été complètement reconvertie. Et une fois qu’on les a visités (…), on n’oublie pas, on sait ce qu’il y a à l’intérieur. C’est comme si on était miniaturisés à l’intérieur d’un ordinateur. Félix Blanc, docteur en science politique

Grand Reportage
53 min

Des data centers « verts » ? 

Le fonctionnement des data centers nécessite de l’électricité. Selon une récente étude de l'ADEME, le secteur du numérique représenterait à ce jour 2% de la consommation électrique mondiale, un chiffre qui pourrait être multiplié par 4 ou 5 d’ici 2030. La question se pose alors de savoir quel type d’énergie est utilisé pour alimenter ces centres : et les GAFAM assurent aujourd’hui que la majorité de leurs centres sont alimentés par des énergies renouvelables. Guillaume Pitron réfute cependant la notion de « green data center » : 

Je pense sincèrement que le bouquet électrique des GAFAM, le type d’électricité qui vient nourrir les data centers est une électricité qui est moins charbonnée, moins issue du pétrole, du charbon que le bouquet électrique moyen mondial. (…). Mais de là à dire qu’un data center est « green » absolument pas. Guillaume Pitron, journaliste 

Le fonctionnement des data centers est gourmand en énergie : le stockage des données génère de la chaleur, ce qui entraîne des besoins en climatisation et donc une consommation importante en eau. 

En 2018 on avait 800 data centers dans l’état de Californie aux États-Unis et le besoin en eau pour climatiser les centres de stockage de données équivalait au montant d’eau de 160 000 piscines olympiques. » Inès Leonarduzzi, directrice de Digital for the Planet 

Une émission en partenariat avec Numerama : Retrouvez chaque semaine les chroniques de Marie Turcan et Marcus Dupont-Besnard

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