

Loin de traiter d'égal à égal avec le politique, comme c'est le cas au Royaume-Uni, le renseignement français scucite encore beaucoup de méfiance. Qui sont ces fonctionnaires qui ont le plus grand mal à valoriser leur contribution à l'histoire de la République ?
- Bernard Bajolet Ancien ambassadeur et directeur de la DGSE
- Jean-Claude Cousseran
En anglais, en allemand, et même en russe, le vocabulaire de l'espionnage est français. À Londres comme à Moscou, on parle d'"agents", de "services" et de "couverture". Mais si tous les espions pratiquent le français, tous les Français ne pratiquent pas l'espionnage, loin de là. C'est même l'inverse. Les espions français ont longtemps été relégués au rang de pitres, comme dans OSS 117 ou de barbouzes aux manières expéditives.
Alors, qui sont ces fonctionnaires qui ont le plus grand mal à valoriser leur contribution secrète à l'histoire de la République ?
Loin de traiter d'égal à égal avec le politique, comme c'est le cas au Royaume-Uni, ou de se confondre avec lui, comme c'est le cas en Algérie ou au Royaume-Uni, le renseignement français a longtemps été tenu par les gouvernants.
Jean-Claude Cousseran, qui fut le directeur de la DGSE de Jacques Chirac, au début des années 2000, et qui a aujourd'hui l'oreille d'Emmanuel Macron, le confirme :
Le cas français est un cas un peu particulier, parce qu'il date d'il y a longtemps. Au 18e siècle déjà, il y a des critiques sur les méthodes d'espionnage, des méthodes jugées non-conformes. Il y a une phrase du 19e siècle qui dit : "Le recours d'un pouvoir faible". C'est assez caractéristique. Jean-Claude Cousseran
Entre le milieu politique et le milieu du renseignement, il y a beaucoup de différences. Ce n'est pas la même culture, ce n'est pas la même manière d'être. Mais il y a eu des progrès sur la distance qu'il y avait entre eux. On a fait évoluer les systèmes qui rapprochaient le pouvoir politique et le renseignement. Jean-Claude Cousseran
Bernard Bajolet a dirigé la DGSE pendant le quinquennat de François Hollande. Pour lui, la culture du renseignement n'est pas vraiment ancrée en France. Il y aurait même une méfiance vis-à-vis de l'espionnage :
On peut expliquer cela par un certain artisanat du renseignement, qui a d'ailleurs donné lieu à des incidents, dont le plus connu est l'affaire du Rainbow Warrior : le coulage du navire de l'association Greenpeace par les services secrets français, le 10 juillet 1985. Le service est peu attractif, y compris au sein des forces armées. La qualité des agents étaient relativement médiocre. Bernard Bajolet
Au fil des années, il y a eu des efforts sur la formation de recrutement qui a attiré un personnel de grande qualité. Il y a aussi eu des moyens qui ont été attribués par le gouvernement dès la période Jospin qui a fait de la DGSE un service efficace. La lutte contre le terrorisme a, je pense, contribué à rassurer l'opinion. Bernard Bajolet
Pour le député Arnaud Denjean, l'un des rares anciens de la DGSE à s'être aventuré dans l'arène politique, la plus grande difficulté des services secrets français est la non-intégration de la DGSE dans le système politico-administratif français :
Il y a une relégation aux marges du système administratif français. Et c'est particulièrement flagrant pour une génération comme la mienne. Arnaud Denjean
Longtemps considéré comme des pitres par la culture populaire, les agents secrets ont vu leur blason redoré par le succès de la série Le Bureau des légendes d'Eric Rochant :
Il y a eu un vrai effort de communication. Quand on a évoqué la première fois le projet du Bureau des légendes avec Eric Rochant, il m'a dit : "Je n'aurais jamais lancé ce projet il y a 20 ans. Mais maintenant, je peux le faire, car la DGSE a acquis une vraie réputation de professionnalisme". Et cette réputation, je peux vous assurer qu'elle n'est pas usurpée. Bernard Bajolet
L'équipe
- Production
- Production
- Réalisation