Ils manifestent...

France Culture
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Quand 130 médecins et biologistes signent un manifeste dénonçant les incohérences des lois concernant l’aide à la procréation, ça relance un débat qu’on croyait enterré.

Ils reconnaissent avoir aidé des couples et des femmes à réaliser leur projet d’avoir un enfant à l’étranger sans prétendre avoir commis d’infraction pénale. D’autres que moi se sont déjà chargés de leur rappeler ce qu’ils risquaient à transgresser le cadre défini par la loi.

La loi, ces médecins ne la font pas et ils revendiquent l’encadrement de leur pratique. D’ailleurs, tous les pays encadrent la PMA. Ce qui est interdit ici est autorisé ailleurs mais ce qui est permis en France peut être interdit ailleurs. D’où la difficulté à émettre un jugement sur les principes éthiques : avons-nous la certitude que les nôtres soient meilleurs que ceux de nos voisins ?

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Ces praticiens de la PMA ont pour devoir d’écouter et d’aider les hommes et les femmes qui les consultent, dans la mesure de leurs moyens, mais n’ont aucune prise sur les raisons sociales pour lesquelles les femmes ont des enfants de plus en plus tard, ni sur celles qui incitent des femmes célibataires ou homosexuelles à demander à accéder à la PMA. Et comme ce sont eux qui appliquent les lois existantes ils en montrent les incohérences à travers quatre situations cliniques.

S’AGIT-IL DANS TOUS LES CAS DE FEMMES CÉLIBATAIRES OU HOMOSEXUELLES ?

Pas dans tous les cas d’où la nécessité de les envisager un par un. La première situation concerne le don d’ovocytes. Il est autorisé mais la demande pour les grossesses tardives excède largement l’offre et les couples vont à l’étranger. La Sécurité Sociale rembourse, sous conditions, une partie des frais engagés à l’étranger où les donneuses sont fréquemment rémunérées ce qui est interdit en France. Développer ces dons en maintenant le principe de la gratuité assortie d’une indemnisation correcte des donneuses est tout à fait possible mais n’est pas fait. On ne voit pas ce qui pourrait être objecté au développement du don en France.

La deuxième situation concerne l’analyse génétique de l’embryon. Dès qu’on prononce le mot « embryon » celui d’ «eugénisme » n’est pas loin. De quoi s’agit-il ? On parle ici d’embryons obtenus par fécondation in vitro destinés à être implantés chez la femme en vue d’une grossesse. L’expérience a montré que plus de 60% de ces embryons ont des anomalies génétiques graves ou sont non viables. Or, il est interdit de rechercher ces anomalies AVANT le transfert dans l’utérus alors que cet examen est autorisé quand la femme est enceinte dans le cadre du dépistage anténatal.

MAIS POURQUOI ?

Parce que la loi de bioéthique précise que tout embryon ayant fait l’objet d’une recherche ne peut pas être implanté. Les pays qui l’autorisent considèrent qu’il ne s’agit plus de recherche mais d’une règle de bonne pratique médicale. Pour ceux qui comme Jacques Testard anticipent toutes les dérives possibles et redoutent un « eugénisme mou et démocratique » - ce sont ses termes- disons que ce test, réservé à des personnes présentant des risques reconnus, a pour finalité d’éviter la répétition éprouvante d’échecs d’implantation voire d’interruption médicale de grossesse. Peut-on continuer à interdire le test avant l’implantation et à l’autoriser après ?

LES DEUX AUTRES SITUATIONS VONT-ELLES SUSCITER DES DÉBATS ?

Certainement puisqu’il s’agit d’une part de permettre aux femmes qui le souhaitent de conserver leurs ovules et d’autre part, du don de sperme pour les femmes célibataires. Sur quoi l’interdiction de conserver ses ovules est-elle fondée demandent les auteurs du manifeste ? Faut-il suspecter a priori les femmes d’abus ou de raisons de convenance quand elles n’ont pas pu ou pas voulu avoir d’enfant au moment où elles étaient le plus fertiles ? Non, elles n’auront pas d’enfant à 60 ans car la PMA est interdite au-delà de 48 ans.

Enfin le don de sperme pour les femmes célibataires ou homosexuelles est certainement le sujet le plus polémique. Selon les signataires, l’incohérence vient du fait de leur accorder le droit d’adopter mais pas de procréer grâce à la PMA. La cohérence c’est que la PMA est conçue comme une réponse médicale à un problème médical. La question éthique est de savoir si, devant une situation nouvelle, ce principe doit être maintenu. S’il ne l’était pas, il n’ouvrirait pas pour autant la voie à la légalisation de la GPA, argument le plus souvent avancé. En revanche, cela remettrait en cause le principe de l’anonymat du donneur car deux femmes ne peuvent prétendre avoir conçu un enfant sans intervention d’un tiers: la loi devrait assurer à tous les futurs enfants nés grâce à la PMA qui le souhaitent, et quel que soit le statut de leurs parents, l’accès à leur origine.

On ignorait que tant de médecins étaient favorables à cette transformation des visées de la PMA. Mais ce sera à la société de faire des choix responsables sans omettre de se demander ce qu’elle chercherait à sauvegarder en refusant toute modification des pratiques et des principes.