D’un sexe à l’autre : le maïs

Le maïs que vous mettez dans votre assiette doit beaucoup à l'inventivité humaine.
Le maïs que vous mettez dans votre assiette doit beaucoup à l'inventivité humaine.  ©Getty - Edwin Tuyay / EyeEm
Le maïs que vous mettez dans votre assiette doit beaucoup à l'inventivité humaine. ©Getty - Edwin Tuyay / EyeEm
Le maïs que vous mettez dans votre assiette doit beaucoup à l'inventivité humaine. ©Getty - Edwin Tuyay / EyeEm
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Le maïs que vous mangez est le fruit d’une manipulation humaine très ancienne.

Le « mal de la misère » a frappé. Le petit Luigi a la pellagre. Sa peau est rouge, il se sent faible, est pris de nausées, sa langue est enflée. Il ne tardera pas à mourir. Pourtant ses parents, paysans pauvres des piémonts italiens, le nourrissent du mieux qu’ils peuvent. Ils lui ont encore donné une pleine ration de polenta sans savoir que cette nourriture à base exclusive de maïs est la cause du mal : une carence en tryptophane, un acide aminé. 

Triste paradoxe car le maïs est une plante sacrée, un don des dieux pour les Aztèques. Chez les Toltèques, le dieu du maïs est le dieu de la vie. Une plante vénérée au point que, dans certaines civilisations, des enfants étaient sacrifiés pour que le maïs pousse. Les petits italiens n’en ont pas été, hélas, les seules victimes. 

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Il faut dire que la culture du maïs par les Mexicains remonte à près de 9000 ans. C’est donc une relation très exceptionnelle qui s’est tissée entre les peuples d’Amérique centrale, puis des deux Amériques, avec cette plante. 

Botaniquement, le maïs, Zea mays mays, a une histoire tout aussi exceptionnelle. Zea mays mays dérive de la téosinte Zea mays mexicana, sa forme sauvage dont les petits épis forment un empilement alterné, sur deux colonnes jointives, de grains superposés. 

Mais comment en est-on arrivé à l’épi aux nombreuses rangées de grains que l’on connaît ? La réponse est : par une transmutation sexuelle. Le maïs de nos assiettes serait une sorte de transgenre. Intriguant, non ? 

Une histoire de genres 

D’abord, un plant de téosinte porte à la fois des épis mâles et femelles. Les épis femelles sont faits, comme on vient de le voir, d’une double colonne de petits grains. Les plumets des épis mâles sont organisés en plusieurs rangées. La tige principale se termine à son sommet par un groupe d’épis mâles. Il en est de même pour toutes les branches latérales. Les épis femelles sont implantés plus bas à l’intérieur de la plante le long des branches. 

Nous avons donc une plante divisée en deux zones d’influence : une zone mâle périphérique et une zone femelle interne. La sélection culturale a conduit à réduire les branches latérales qui se sont ainsi trouvées complètement intégrées à la zone d’influence femelle. 

Des épis femelles se sont alors développés à la place des épis mâles sur les extrémités des branches latérales, mais tout en conservant leur organisation en multiples colonnes. Les Mexicains ont féminisés les épis mâles en gagnant sur les deux tableaux : avoir des grains, femelles donc, et des rangées multiples. 

Les Nouvelles de l'éco
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Tout cela ne s’est pas fait en un jour. Au Mexique, les archéologues attestent que la transition entre un petit épi de téosinte de quelques centimètres à un épi d’une dizaine de centimètres a pris quelques millénaires, aboutissant à de multiples variétés. 

Cette découverte de féminisation d’épis mâles a permis d’éclairer d’un jour nouveau l’origine des fleurs. La fleur viendrait-elle de l’expression des caractères d’un sexe dans le territoire de l’autre ? En attendant, le maïs continue de faire son cinéma dans les boîtes de pop-corn.

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