Des larmes de crocodile

Même son regard a quelque chose d'effrayant. Mais ajoutez une larme et peut-être aurez-vous moins peur ?
Même son regard a quelque chose d'effrayant. Mais ajoutez une larme et peut-être aurez-vous moins peur ?  ©Getty - Jonathan Knowles
Même son regard a quelque chose d'effrayant. Mais ajoutez une larme et peut-être aurez-vous moins peur ? ©Getty - Jonathan Knowles
Même son regard a quelque chose d'effrayant. Mais ajoutez une larme et peut-être aurez-vous moins peur ? ©Getty - Jonathan Knowles
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Il a souvent les yeux humides et pourtant, il reste terrifiant.

Jeu, set et match ! René Lacoste emporte le tournoi de Wimbledon. Le « crocodile » s’impose. Ce surnom deviendra un logo avec la création de la marque « Lacoste » en 1933. 

Le crocodile, symbole de combativité sur les courts de tennis comme ailleurs. Un animal redoutable qui, pourtant, pleure comme un enfant. 

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Le crocodile serait-il atteint du syndrome gusto-lacrymal décrit par le neurologiste Bogorad en 1928, l’année de la seconde victoire de Lacoste à Wimbledon ? Le patient atteint de ce syndrome pleure lorsqu’il mange. Cette situation est due à un mauvais câblage. Les nerfs qui normalement innervent la glande parotide - une glande salivaire – sont déroutés vers la glande lacrymale. 

Ce dérangement est dit : « syndrome des larmes de crocodile ». Mais qu’est-ce que le crocodile vient faire là ? Une antique légende veut que les crocodiles pleurent pour leurs victimes tout en les dévorant. Dans des écrits attribués à Plutarque, l’attitude qui consiste à se lamenter tout en espérant la mort d’une personne est considérée comme un « comportement de crocodile ». Au XVIe siècle, « Pleurer des larmes de crocodile » faisait allusion à une légende où les crocodiles du Nil charmaient leurs proies en gémissant, avant de les manger. 

Mais revenons aux crocodiles. Ils ont des glandes lacrymales qui humectent leurs yeux lorsqu’ils se chauffent au soleil. Certains zoologistes ont avancé l’idée que leurs glandes salivaires et lacrymales sont si proches qu’elles pourraient être activées conjointement. À confirmer… 

Hormis ces histoires de larmes, on magnifie les 25 espèces de crocodiliens actuels pour leur caractère primitif et leur nature de prédateurs. Parce qu’ils nous semblent inexpressifs et couverts d’une armure, nous projetons sur eux nos fantasmes préhistoriques. Parce qu’ils sont carnivores et voraces, nous les craignons. 

Il faut dire que certains sont redoutables. Les plus grands sont celui du Nil, Crocodylus niloticus et le crocodile marin, Crocodylus porosus, qui peuvent dépasser les six mètres et peser jusqu’à une tonne. Pas mal, mais dérisoire en comparaison de Sarcosuchus imperator qui, avec ses dix mètres et quatre tonnes, traquait les dinosaures il y a 110 millions d’années ! 

Un fossile qui nous vient du Tchad, de quoi lui appliquer le proverbe africain : « N’insultez pas le crocodile lorsque vos pieds sont encore dans l’eau ». 

Plus un gros oiseau qu'un gros lézard 

Chez nous, le crocodile est l’archétype du lézard. Mais c’est faux. Les lézards sont des lépidosaures alors que les crocodiles, eux, sont des archosaures. Une affaire d’orifice latéral dans la mandibule. Un orifice que l’on retrouve chez les dinosaures et donc… chez les oiseaux aussi. En conséquence, les crocodiles sont plus apparentés aux oiseaux qu’aux lézards. Ça, c’est une surprise. 

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Une autre surprise. À l’origine du lignage des crocodiles, il y a 240 millions d’années, ces animaux étaient bipèdes ! Ils auraient presque pu jouer au tennis. 

Je ne sais si René Lacoste a pleuré en recevant son trophée en 1928, mais si tel était le cas les larmes du « crocodile » n’étaient pas des larmes de crocodile.