Le sang bleu des limules

Le litre de sang (bleu) d'une limule, très recherché par les laboratoires, valait 10 000 euros le litre en 2018.
Le litre de sang (bleu) d'une limule, très recherché par les laboratoires, valait 10 000 euros le litre en 2018.  ©Getty - Daniela Duncan
Le litre de sang (bleu) d'une limule, très recherché par les laboratoires, valait 10 000 euros le litre en 2018. ©Getty - Daniela Duncan
Le litre de sang (bleu) d'une limule, très recherché par les laboratoires, valait 10 000 euros le litre en 2018. ©Getty - Daniela Duncan
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L’aristocratie n’a qu’à bien se tenir, la concurrence est rude ! Les limules ont non seulement le sang bleu, mais en plus, leur lignée remonte à plusieurs centaines de millions d’années.

Les aristocrates ont le sang bleu, c’est bien connu. Peut-être un lien avec le bleu de leurs veines vues à travers une peau diaphane qui se gardait du soleil. Admettons ce signe d’appartenance. 

Mais si nous allons au bout de cette logique, alors, au risque de déplaire, les limules occupent le sommet de l’aristocratie, au-dessus même de nos princes les plus prestigieux. 

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Mais qui sont ces limules et qu’ont-elles de particulier pour oser prétendre à ce statut aristocratique suprême ? Sur une plage de la côte est-américaine, vous apercevez une carapace en forme de fer à cheval, un animal appelé ici « horseshoe crab ». Mais ce n’est pas un crabe ! Ce n’est même pas un crustacé ! Cet animal de soixante centimètres, étrangement cuirassé, présente à l’avant un bouclier robuste, large et arrondi, suivi d’une plaque frangée d’épines, puis d’un éperon rigide en guise de « queue ». 

Si vous le retournez, six paires d’appendices s’agitent à la recherche d’un appui. Vous reculez instinctivement car nous n’aimons pas les animaux avec trop de pattes. La première paire de pattes sont des pinces, appelées chélicères, avec lesquelles la limule broie ses proies. Les cinq autres paires sont locomotrices. 

Le nom de l’espèce actuelle la plus commune, Limulus polyphemus, fait référence à Polyphème, le cyclope d’Homère. Cette appellation ressemble à une bonne blague, lorsqu’on sait que la limule a neuf yeux ! Deux gros yeux composés associés à trois autres paires discrètes. Plus un neuvième œil unique à l’avant. Les limules fréquentent les eaux du plateau continental dont elles explorent les fonds meubles à la recherche de petites proies. Lorsqu’elles ne se déplacent pas en marchant, elles nagent curieusement sur le dos. 

Un sang qui vaut cher 

En période de reproduction, elles s’aventurent sur les littoraux où, assez lentes, elles ont attiré le regard au point d’avoir été en danger d’extinction. Au début du XXe siècle, on les broyait pour servir d’engrais ou de farine animale destinée à l’élevage porcin. 

Revenons maintenant à notre histoire d’aristocrates. Le sang des limules transporte l’oxygène non pas avec de l’hémoglobine, de couleur rouge due au le fer, mais avec de l’hémocyanine qui renferme du cuivre et qui est du plus beau bleu. 

Le Monde vivant
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Ce sang n’est pas seulement bleu, mais il contient une substance fabuleuse, le coagulogène qui, réagissant à la présence de bactéries, gélifie localement le sang. Le sang de limule est donc précieux pour détecter bactéries ou toxines dans différents produits et médicaments. 500 000 sont ponctionnées chaque année pour récupérer le précieux coagulogène qui valait 10 000 euros le litre en 2018. Lourd prix à payer pour les limules dont 30% en meurent. 

Tout comme les aristocrates, il y en a de moins en moins. Pourtant le groupe des limules a jadis été très prospère, son origine remontant à plus de 500 millions d’années. Alors les limules sont non seulement des aristocrates à sang bleu, mais aussi les ultimes rejetons d’un lignage qui fait passer celui de Saint Louis pour riquiqui.