C’est une histoire de rivière, de vers, de crustacés et de poissons, une histoire de stratégie et de manipulation qui, en plus d’en dire long sur la richesse des interactions écologiques, peut laisser songeur.
La rumeur a enflé les derniers jours avant le scrutin. La fille du maire serait... Mensonge ou vérité ? Image classique d’une manipulation de l’opinion reprise dans maintes fictions et qui ne date pas d’hier même si aujourd’hui chaînes d’information en continu et réseaux sociaux amplifient son impact, pouvant aller jusqu’à faire courir un risque à la démocratie comme les affaires russes ont pu le laisser penser.
Mais la manipulation n’est pas l’apanage de quelques humains malveillants. Plusieurs exemples en sont connus chez des animaux complexes qui, par des comportements élaborés, tendent à induire en erreur leurs congénères. Beaucoup plus surprenantes, les manipulations dues à des organismes rudimentaires.
En voici une histoire qui met en scène trois personnages. Premier personnage, le gammare. Les gammares sont de petits crustacés, sorte de minuscules crevettes familières de nos cours d’eau. Ils sont une des proies favorites de notre deuxième personnage, la truite et autres poissons carnivores qui s’en délectent. Troisième personnage, l’acanthocéphale, sorte de vers parasite dont l’adulte mesure deux centimètres.
Une unité de lieu, une rivière vive. Un prologue nous expliquant que, dans la nature, existent de nombreux parasites qui pour boucler leur cycle de vie passent par plusieurs hôtes. Le plus connu est sans doute le Plasmodium, vecteur du paludisme, qui pour atteindre son hôte définitif, l’homme, passe par les glandes salivaires d’un moustique. Il en est de même pour les acanthocéphales dont le cycle complexe nécessite un hôte intermédiaire avant que le parasite n’atteigne sa cible définitive.
Le parasite est un pirate
Afin d’échapper à leurs prédateurs, les gammares se plaisent dans des zones ombragées ou sous les pierres. Disons simplement qu’ils n’aiment pas la lumière, qu’ils sont photophobes et fuient les eaux trop éclairées. Les gammares se nourrissent de matière organique tombée sur le fond. Lorsque des œufs d’acanthocéphales sont ingurgités par des gammares, ils démarrent leur développement et s’installent dans la tête du gammare à proximité de son ganglion cérébral, centre de commande du comportement du crustacé.
Le gammare parasité est perturbé, il va faire n’importe quoi. Enfin pas n’importe quoi pour tout le monde… En tout cas pas pour l’acanthocéphale qui incite le gammare à ne plus craindre la lumière et à aller se promener là où nagent truites et autres poissons carnivores. Il ne tarde pas à se faire dévorer.
L’acanthocéphale infeste alors le poisson, son hôte définitif, chez qui il poursuit son développement. Il devient un vers adulte, et se reproduit. Le poisson évacuera les œufs de l’acanthocéphale dans ses déjections, prêts pour attirer un autre gammare gourmand. Ces parasites que l’on appelle manipulateurs sont redoutables car leurs victimes ne se doutent de rien, leur comportement change à leur insu.
Je vous laisse aviser si l’on peut filer l’analogie en remplaçant acanthocéphale par « rumeur », gammare par « réseaux sociaux » et poissons par « citoyens ».
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