Un oiseau sanguin, le rouge-gorge

Un rouge-gorge pris en photo en Grande-Bretagne.
Un rouge-gorge pris en photo en Grande-Bretagne.  ©Getty - Francesco Stancato / EyeEm
Un rouge-gorge pris en photo en Grande-Bretagne. ©Getty - Francesco Stancato / EyeEm
Un rouge-gorge pris en photo en Grande-Bretagne. ©Getty - Francesco Stancato / EyeEm
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Le rouge-gorge n’a pas toujours un comportement exemplaire. Est-ce une raison pour continuer à le chasser en le piégeant ?

Je viens de me poser à mon endroit habituel, un bon emplacement. Mais quelque chose ne va pas. Mes pattes collent. Pire, elles restent collées. Je me débats pour prendre mon envol, mes ailes touchent la branche sur laquelle je suis posé et se trouvent prises à leur tour. 

Je tourne, je m’agite, rien n’y fait je suis englué. Épuisé, le cœur en surrégime, je me laisse aller à mourir. J’étais un rouge-gorge et je viens d’être victime d’une pratique venue du fond des âges, la chasse à la glue. 

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Le rouge-gorge, Erithacus rubecula, fréquente nos forêts, nos campagnes, tout comme nos jardins et les parcs de nos villes. Il se déplace beaucoup et celui que vous voyez dans votre jardin et croyez être un visiteur fidèle, car il est peu farouche, n’est peut-être pas toujours le même. 

Ce passereau de quinze grammes, d’une envergure de vingt centimètres, a des pattes longues et fines, des yeux noirs, un petit bec pointu idéal pour saisir les insectes et surtout un poitrail superbement coloré, en orange d’ailleurs plutôt qu’en rouge. 

Le rouge-gorge, si familier avec sa couleur vive, est au centre de diverses légendes. Des légendes chrétiennes où il se serait brûlé en ranimant les braises dans l’étable de Bethléem, une autre où il se serait taché en prenant soin du Christ en croix. Une légende ancienne, où il vole jusqu’au soleil pour apporter le feu aux hommes. 

Une autre, très belle, où frigorifié au cœur de l’hiver, il cherche un arbre pour s’abriter. Tous refusent, sauf le houx. Il s’y blottit mais se pique et son sang colore son plastron tandis que les boules du houx se teintent de rouge. 

Un mode de chasse stupide ? 

À travers ces contes, le rouge-gorge est crédité d’une belle réputation altruiste qui ne s’accorde pas avec son comportement. D’abord, les rouges-gorges sont individualistes et ne vivent pas en bandes comme ces rustres de moineaux. Ils ne s’aident pas les uns les autres, bien au contraire. Le rouge-gorge est une espèce qui parfois voit rouge ! 

Les mâles, très territoriaux, ne supportent pas qu’un intrus empiète sur leur domaine. Pour évincer un congénère ils le menacent et si cela ne suffit pas se battent. Le combat est violent. Les plumes volent, les coups de bec pleuvent et le vainqueur peut harceler le vaincu jusqu’à lui crever les yeux, voire le tuer et s’acharner sur son cadavre. Comme si sa colère ne s'éteignait pas. 

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Mais ce n’est pas parce que le rouge-gorge est un sanguin qu’il faut le traquer avec des méthodes barbares. Les traditions sont faites pour être changées. Imaginerait-on de nos jours, une justice qui prônerait le retour à l’écartèlement en place publique pour les criminels ? 

Certes non et c’est fort heureux. Nos sociétés évoluent. Ce qui vaut pour les relations entre les êtres humains, vaut aussi pour nos relations avec les autres animaux. La chasse à la glue a beau être traditionnelle, elle est un anachronisme. Au-delà de la souffrance ou la mort qu’elle inflige, elle est une stupidité car elle n’est pas sélective. Espèces communes, espèces rares, espèces protégées, elle ne fait pas de différence. 

Il faut y mettre un terme.