Une feuille pudique, celle de la vigne

Il existe 6000 cépages de vignes domestiquées par l'homme
Il existe 6000 cépages de vignes domestiquées par l'homme ©Getty -  Ray Juno
Il existe 6000 cépages de vignes domestiquées par l'homme ©Getty - Ray Juno
Il existe 6000 cépages de vignes domestiquées par l'homme ©Getty - Ray Juno
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A l'état sauvage, la vigne pousse dans les forêts en bordure des cours d'eau. Pour la version domestiquée "vitis vinifera", il existe 6000 cépages qui sont le résultat de siècles de sélections humaines. La domestication de cette liane arbustive remonte à 8000 ans.

Au Vatican, nous contemplons la statue de Mercure. Il est dévêtu, normal pour une statue romaine classique. Une feuille sculptée masque pudiquement ses parties génitales. 

Vous connaissez la réponse. Il s’agit d’une feuille de vigne, Vitis vinifera, la source de millénaires d’enivrements du Caucase au bassin méditerranéen, puis dans le monde entier. Lubrifiant social, liquide sacré pour la chrétienté, boisson sanitaire à des époques où l’eau potable était rare, source de richesse économique et culturelle, le vin et la vigne font partie de notre histoire. 

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Mais pourquoi la feuille de vigne sert-elle de cache-sexe ? Selon la Bible, après avoir croqué le fruit défendu, Adam et Ève prirent conscience de leur nudité et la cachèrent derrière une feuille de figuier qui fut vite remplacée par une feuille de vigne, plus petite d’ailleurs. Plusieurs historiens y virent l’association entre le vin et l’amour. Un lien ancré dans notre culture depuis l’Antiquité avec les Bacchanales, fêtes en l’honneur de Bacchus, qui étaient l’occasion d’orgies et de débauche. C’est bien connu, le vin désinhibe, et de l’ivresse à l’amour il n’y a qu’un pas… ou plutôt, qu’une feuille de vigne !  

Des fleurs hermaphrodites pour les vignes cultivées

Vitis vinifera est une liane arbustive qui ne s’accroche pas qu’au sexe des statues, mais à différents supports naturels ou artificiels. Les fleurs sont petites et verdâtres. Elles sont regroupées en une inflorescence ramifiée, promesse d’une grappe de fruits. Elles sont hermaphrodites et peuvent s’autoféconder. 

Aujourd’hui, la vigne se décline en 6000 cultivars, ou cépages. Ces formes domestiquées sont les résultats de siècles de sélection humaine. On en aurait presque oublié l’espèce sauvage d’origine ! Mais où est-elle ? Vitis vinifera sylvestris, la vigne sauvage, pousse dans les forêts en bordure de cours d’eau, où ses lianes peuvent monter jusqu’à 30 mètres de haut. 

La vigne sauvage autrefois largement répandue de l’Europe au Moyen-Orient, est aujourd’hui classée « en danger critique d’extinction ». Très surprenant pour une plante commune, mais en Europe de l’Ouest, l’ancêtre de la vigne n’est plus présent que dans quelques vallées de montagne, et dans des zones alluviales. 

8000 ans de domestication de la vigne

En 2017, on a retrouvé en Géorgie des jarres qui contenaient de l’acide tartrique ainsi que des restes de pépins de raisin caractéristiques de vignes cultivées. Elles sont datées de 8000 avant nos jours, faisant de la Géorgie le site de la plus ancienne domestication de la vigne connu. 

Anecdote, les vignes cultivées sont hermaphrodites, tandis que la vigne sauvage est à sexes séparés, rare chez les plantes à fleurs. Des analyses génétiques ont montré que la forme mutante hermaphrodite a divergé de la souche à sexes séparés il y a plus de 8000 ans, c’est-à-dire avant la domestication de la vigne. 

Les premiers viticulteurs ont dû repérer ces pieds de vigne sauvages mutants qui produisaient plus de fruits et ils les ont sélectionnés ! Bravo les viticulteurs du néolithique ! Je vais trinquer à votre mémoire. 

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