Une perfide allusion en forme d'ammonite

Ammonite de l'époque du Jurassique retrouvée à Madagascar
Ammonite de l'époque du Jurassique retrouvée à Madagascar ©Getty -  Walter Geiersperger
Ammonite de l'époque du Jurassique retrouvée à Madagascar ©Getty - Walter Geiersperger
Ammonite de l'époque du Jurassique retrouvée à Madagascar ©Getty - Walter Geiersperger
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Les ammonites ont longtemps inspiré la crainte chez les êtres humains. Leur forme enroulée évoque un serpent endormi qu’il ne faut pas réveiller ou encore le dieu Amon doté des cornes et d'une tête de bélier. En fait, il s'agit simplement de gros mollusques, cousin de l'escargot.

Un ultime coup de marteau et la bête est libérée de sa gangue. Le géologue vient de dégager un superbe spécimen de Douvilleiceras mammilatum, ammonite des terrains crétacés. Nous y reviendrons. 

Lorsque les hommes découvrent les ammonites, élégantes spirales, ils cherchent à les nommer, ils tentent des interprétations. La plus évidente est d’en faire des serpents pétrifiés. En effet leur forme enroulée évoque un serpent endormi qu’il ne faut pas réveiller. Une dénomination, plus qu’une interprétation, est de les relier à des cornes de bélier.

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Pour comprendre, faisons un saut dans le temps. Tout le monde tremble et se prosterne devant Ounnefer, grand prêtre d'Amon 13 siècles avant notre ère. Il y a de quoi, car Amon occupe la première place dans le panthéon égyptien. Ce dieu redoutable a été doté de divers attributs dont des cornes et même une tête de bélier. Les ammonites tirent tout simplement leur nom d’Amon car leur forme évoque la corne d’un bélier.

Scientifiquement, ce sont des céphalopodes. Des mollusques, donc, cousins des escargots, huîtres ou moules et étroitement apparentés aux nautiles. Les ammonites ont connu un gigantesque succès dans les mers de l’ère secondaire. Elles y vivaient à toutes les profondeurs grâce à une diversité de formes incroyables : des petites, des grosses (jusqu’à trois mètres de diamètre), des plates, des ventrues... Savez-vous que certaines n’étaient pas, ou seulement partiellement, enroulées ? À l’époque, elles concurrençaient les poissons avant de leur laisser la place, puisqu’elles disparurent à la fin du Crétacé en même temps que les dinosaures.

Un mari trompé à l'origine de la dénomination latine de l'ammonite ? 

Pour terminer sur une note plaisante, voici une anecdote croustillante. Elle commence dans la mer de l’Albien, il y a environ 100 millions d’années, au début d’une longue période d’expansion des mers sous un climat de plus en plus chaud. Dans la mer qui occupait l’actuel Bassin de Paris, vivaient des ammonites.

Parmi elles, l’espèce mammilatum qui avait été décrite en 1813 sous le nom de genre Ammonites, comme toutes les ammonites à cette époque. Ce nom d’espèce, mammilatum, faisait référence aux protubérances qui ornent la coquille de cette ammonite, sortes de jolies petites mamelles.

Au fil du 19e siècle, la science progresse, les noms changent et, en 1894, l’ingénieur des mines Albert de Grossouvre crée le genre Douvilleiceras en hommage à Henri Douvillé, professeur à l’École des mines. L’espèce devient alors Douvilleiceras mammilatum, patronyme qu’elle porte toujours. Les noms latins des ammonites se terminent souvent en « ceras » ce qui signifie « cornes ». Le genre Douvilleiceras peut donc s’entendre comme « les cornes de Douvillé ».

Or la petite histoire raconte que de Grossouvre était l’amant de Madame Douvillé. De là à penser que de Grossouvre a été assez facétieux pour associer la poitrine de sa maîtresse (mammilatum) aux cornes du mari (Douvilleiceras), il n’y a qu’un pas. Nous ne saurons jamais si l’histoire est véridique, mais elle est délicieuse. 

Il demeure que Douvilleiceras mammilatum est une belle ammonite !

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