

Les poux, ces parasites qui sucent le sang, étaient connus sur les champs de bataille pour transmettre de redoutables maladies, dont le typhus. S'ils étaient présents sous les perruques de la cour du Roi Soleil, ils sont bannis avec l’hygiénisme de la seconde moitié du 19e siècle.
"Ce n'est pas commode de tuer les poux un à un, lorsqu'on en a des centaines. […] C'est pourquoi Tadjen a fixé […] le couvercle d'une boîte à cirage au-dessus d'un bout de bougie allumé. Il suffit alors de jeter les poux dans cette petite poêle ; on entend un grésillement et ils sont liquidés". Un extrait de "À l’ouest rien de nouveau " d’Erich Maria Remarque.
Les poux, rebaptisés totos par les poilus, sont des compagnons indésirables des soldats français comme allemands. Les tranchées de la première guerre mondiale en sont infestées. Non seulement ces parasites sucent le sang des fantassins mais ils transmettent une maladie, la fièvre des tranchées.
Des vecteurs de bactéries
Cette fièvre est due à une bactérie, Bartonella quintana, pas nécessairement mortelle mais invalidante pendant des semaines. Un million de combattants en sera victime. Ce fléau datait d’au moins un siècle. En effet, une fosse commune de la Grande Armée découverte en 2001 a livré des traces génétiques de Bartonella sur des restes de soldats et de leurs poux, attestant que la retraite de Russie avait dû avoir son compte d’infection.
Les poux sont des vecteurs de bactéries. La plus redoutable, Ricksettia prowazekii, cause le typhus. Selon certains témoignages, lors de la retraite de 1812, le typhus fit plus de morts que les combats.
Alors, ennemis, les poux ? Pas totalement, car ils n’ont pas toujours été honnis. Les amérindiens et les esquimaux les consommaient avec plaisir. Ces derniers allaient même chercher les poux dans le pelage des phoques pour les manger. Aristote les nommait "vers de peau" et l’épouillage était une activité socialisante, tout comme elle l’est chez les autres singes.
Poux de tête et poux de corps
Jusqu’au 17e siècle, les têtes grouillent de poux sous les perruques, y compris celle de Louis XIV, et ce n’est pas un motif d’affolement. Ce n’est qu’avec l’hygiénisme de la seconde moitié du 19e siècle que l’on commence à traquer ces parasites. Ceux qui disposent d’insecticides pour le faire affichent une norme sanitaire qui discrédite ceux qui n’en ont pas les moyens. Les poux apparaissent comme un signe d’infériorité sociale, voire de saleté. Et cette réputation est toujours d’actualité : nombre de parents croient, en voyant leur enfant ramener des poux de l’école, que celle-ci est sale… alors qu’il n’en est rien.
Mais que ramènent nos écoliers ? Ce sont des poux de tête, Pediculus humanus capitis, qu’il ne faut pas confondre avec les poux du corps Pediculus humanus corporis. Ces deux types de poux ne peuvent se reproduire entre eux qu’en laboratoire. La génétique atteste que ce sont deux sous-espèces qui ont divergé voici 72 000 ans.
Autre différence, les œufs des poux de tête se fixent vers la racine des cheveux, tandis que les œufs des poux de corps se trouvent sur nos vêtements. Les poux du corps se seraient spécialisés et différenciés de leurs cousins à l’époque où l’humain a commencé à se vêtir de manière permanente sans laver sa peau de bête assez souvent. Comme nos pauvres soldats de 14-18 avec leurs uniformes.
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