Une poudre magique, le quinquina

Planche issue du Dictionnaire pittoresque d’Histoire naturelle, publié à Paris en 1834.
Planche issue du Dictionnaire pittoresque d’Histoire naturelle, publié à Paris en 1834. ©Getty - mashuk
Planche issue du Dictionnaire pittoresque d’Histoire naturelle, publié à Paris en 1834. ©Getty - mashuk
Planche issue du Dictionnaire pittoresque d’Histoire naturelle, publié à Paris en 1834. ©Getty - mashuk
Publicité

Vous avez forcément entendu parler de la chloroquine, un dérivé de la quinine. Cette molécule déroute depuis bien longtemps les scientifiques et a toujours été sujette à confusion.

Une terrasse de café un soir d’été : « Marie prend un gin tonic ». Un savant dosage de gin avec une boisson pétillante et amère qui répond à l’appellation générique « Indian Tonic ». Mais au-delà du plaisir du rafraîchissement, d’où viennent ce goût amer et cette réputation tonifiante ? 

De prime abord, la réponse intrigue, voire inquiète : de la poudre des jésuites. La filière prend sa source chez les jésuites du Pérou. Depuis quelques décennies, ils envoient à Rome une poudre tirée de l’écorce d’un arbre. Une « jesuit connection » en quelque sorte car c’était presque une drogue. La poudre est réputée tonifiante et efficace contre la fièvre, et utilisée par les amérindiens contre les fièvres dues au paludisme. Or, Rome est à l’époque une ville impaludée et la poudre est bienvenue. 

Publicité

En France, la poudre des jésuites a guéri un garçon de onze ans atteint d’une mauvaise fièvre, le futur Louis XIV. Merci à cette poudre, même si en Europe personne ne sait d’où elle est extraite. 

Une étape est franchie lorsqu’un médecin génois la nomme quinquina, en prétendant qu’en langue quechua kinakina désigne un arbre. Mais on ne connait toujours pas précisément cet arbre et encore moins le principe actif du remède. 

Il faudra attendre 1735 pour que l’Académie Royale des Sciences envoie une expédition au Pérou. Charles Marie de la Condamine et Joseph de Jussieu sont du voyage, et de la Condamine publie en 1738 un mémoire intitulé Sur l’arbre du quinquina, dans lequel il a le mérite de démêler un drôle d’imbroglio. 

Confusions en série

Le quinquina gris, Cinchona officinalis, est un petit arbre de la famille des rubiacées. Il pousse dans les forêts sèches, entre 1 700 et 3 000 mètres d'altitude, sur une aire restreinte des régions andines. 

Seulement voilà, l’appellation « quinquina » était erronée, ce terme désignant en quechua un tout autre arbre, le baumier du Pérou, qui ne soigne rien, en tout cas pas les fièvres. Autre fait déroutant, le quinquina gris n’a qu’un faible effet antipaludéen, et son écorce est surtout appréciée pour son amertume. 

En revanche, le quinquina jaune et le quinquina rouge sont bien plus efficaces. Le nom d’espèce du quinquina gris, « officinalis », est donc un abus de publicité. En 1820, deux pharmaciens Pelletier et Caventou isolent la molécule de quinine, un alcaloïde efficace pour combattre fièvre et douleur et lutter contre le paludisme. Les deux pharmaciens montent en 1826 un atelier qui traitera plus de cent tonnes d'écorce par an. Cependant, la substance peut se montrer toxique. Se développent alors des analogues moins toxiques, comme la primaquine. 

L’entreprise Schweppes lance en 1870 son « Indian Tonic ». Elle s’inspire des tisanes à la quinine consommées en Inde par les britanniques pour se protéger de la malaria. L’appellation « Indian Tonic » au lieu de se référer aux Amérindiens, fait allusion à l’Inde britannique ! Un deuxième abus de publicité. 

Un autre dérivé de la quinine est la chloroquine, qui vient d’avoir son heure de gloire lors de la crise de la Covid-19. Un troisième abus, de certitude cette fois !

L'équipe