Qu'est-ce que les artistes ont à dire de notre rapport à nos données, et de la manière dont cela façonne notre vision du monde ? C'est ce qu'explore Données à voir, une exposition qui se tient jusqu'au 23 décembre à la Terrasse,
Le big data, les données publiques ou personnelles que nous produisons, sont devenues omniprésentes. Alors forcément, cela traverse aussi le travail des artistes. Qu'ont-ils à dire de notre rapport à nos données, et de la manière dont cela facconne notre vision du monde ? C'est ce qu'explore Données à voir, une exposition qui se tient jusqu'au 23 décembre à la Terrasse, l'espace d'art de la ville de Nanterre en banlieue parisienne. Une trentaine d'oeuvres d'artistes contemporains, de tous les formats (oeuvres ou documents, livres d’artistes, films documentaires, dessin, installations), rassemblées par Sandrine Moreau, responsable de La Terrasse, et l'artiste Thierry Fournier.
La surveillance vue par les artistes
Nos données sont aussi bien publiques que personnelles -ce sont nos déplacements, nos relations, nos opinions, nos consommations.
Elles sont devenues un objet de captation et de surveillance. Après le 11 septembre 2001, l'artiste américain Hasan Elahi découvre qu'il est surveillé par les agenced fédérales américaines, à cause de ses origines bangladaises. Il lance alors le site
Tracking Transcience : il y poste chaque jour des photos d'absolument tous ses faits et gestes : ce qu'il mange, où il va - au supermarché, aux toilettes, sur l'autoroute, ce qu'il fait... L’idée c'est de désamorcer la surveillance des individus en la débordant, la saturant.
Plus encore depuis l'affaire Snowden, l'exploration de la surveillance est devenu un motif pour de très nombreux artistes. Et on voit se multiplier les explorations critiques de la capture des individus par le numérique. C'est en somme une approche des traces. Celles que nous laissons, et celles que les artistes donnent à voir par leur travail.
Cartographier les relations
Quand on parle de données, il est aussi question de pouvoir. Et cela bien sûr de date pas d'Internet. Représenter ces relations de pouvoirs, c'est aussi l'un des axes qui rassemble les artistes présentés à Nanterre.
Et il est particulièrement intéressant de voir ici le fil tiré avec des oeuvres des années 70 et 80. Comme les dessins du suédois Öyvind Fahlström sur les relations des Etats-Unis avec le reste du monde, ou un peu plus tard ceux de l'américain Mark Lombardi : des cartographies du monde éminemment politiques. Lombardi a par exemple cartographié l'Irangate, le financement des contre-révolutions sud-américaines par la vente d'armes à l'Iran_. "Nous avons voulu montrer la continuité de regard sur le monde et des fils très communs_", explique Thierry Fournier.
Des dessins mis en écho avec le travail du français Julien Previeux, couronné du prix Duchamp en 2014 . Et qui propose lui une forme d'approche ironique des données. on peut voir exposé à Nanterre son travail autour du Capital de Marx soumis au code de la Bible, un système de décryptage séculaire. Julien Prévieux en sort des mots-clés pour cartographier des scandales financiers récents.
Visualiser nos traces
L'artiste française Claire Malrieux a elle, lancé en 2013, a lancé un projet nommé “Atlas du temps présent” : sur un site Internet du même nom, elle collecte des dizaines de schémas scientifiques retrouvés sur le web. Et chaque jour, un algorithme qu’elle a conçu créé une grande image réunissant plusieurs de ces schémas. "Ces dessins produisent un imaginaire de ce que pourrait être le monde, des relations scientifiques, géographiques poétiques”, explique Thierry Fournier. Elle a un stock de dessins et un algorithme conçu avec un programmeur associe chaque matin ces dessins.
Ce qui change avec le web, c'est bien sûr la masse de données produites, collectées, cartographiées. Mais c'est aussi le déplacement des pouvoirs. Ainsi que celui pris par quelques acteurs comme Google.
On trouve d'ailleurs dans l'exposition un ouvrage de l'artiste Albertine meunier. Un autoportrait en forme de publication de l'historique de ses recherches sur Google. Où y a deux ans elle a lancé avec l'artiste Julien Levesque DataDada, un manifeste pour exprimer « leur opposition à la transformation de la data comme un simple fait numérique ».
Découvrir aussi : U n état de la création numérique, dans le cadre de “Imagine, le week end de la création et des idées” organisé au Centre Pompidou en juin 2016
Quelles relations entretenons-nous avec les systèmes ? C'est l'un des sujets de prédilection de l'artiste britannique
Martin John Callanan. Son travail explore les manières de matérialiser des totalité auxquelles les individus n'ont pas accès, des systèmes auxquels ils sont confrontés. Avec Text trends où il compare les requêtes des internautes sur Google.
Sa sculpture A planetary order est un globe terrestre qui montre la couche nuageuse au dessus de la Terre à un instant donné de 2009. Une sculpture qui représente l'état des nuages, en associant des images satellites.
Ce que montre cette exposition c'est finalement que notre relation aux données ne se limite pas à un champ spécifiquement numérique. Ce qui est vrai aussi dans le travail même de ces artistes : certaines utilisent des éléments identifiés de la culture numérique (algorithmes, logiciels...). D'autres pas du tout. Tous ont en commun d'être traversés par ces transformations. Comme le résume l'artiste Thierry Fournier, "c'est finalement une exposition prend acte de ce que le numérique fait à la société.”
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