

Le 1er juin, deux nouvelles réglementations entrent en vigueur. Elles renforcent les capacités de surveillance du web par le pouvoir.
Sites internet, messageries instantanées, forums de discussions, blogs ou encore médias sociaux : tous ces fournisseurs d'information en ligne devront désormais demander une autorisation avant de publier des contenus concernant le gouvernement, l'économie ou les problèmes sociaux. L'objectif étant de "guider correctement l'opinion publique". L'annonce en a été faite début mai par l'Administration chinoise du cyberespace, sorte d'organe de la censure numérique, créé en 2014. Tout partenariat avec l'étranger devra être soumis à une "évaluation sécuritaire". Et d'ailleurs les employés devront être évalués. Tout cela dans un contexte où l'information en ligne est déjà extrêmement contrôlée. La Chine est classée par Reporters sans frontières au 176e rang mondial sur 180 pays pour la liberté de la presse.
Le rôle de l'Administration du cyberespace est aussi renforcé par autre loi qui entre en vigueur au même moment, le 1er juin. Un texte sur la cybersécurité, adopté en novembre dernier, et censé protéger le pays des cyberattaques. Il prévoit la localisation des données personnelles, c'est-à-dire qu'il oblige toutes les entreprises, même étrangères, à stocker les données de leurs utilisateurs sur des serveurs en Chine. Les utilisateurs de messageries instantanées devront s'inscrire sous leur propre nom. Tout commentaire qui diffusera de "fausse information" sera sanctionné. Un flou qui rend possible toutes les interprétations.
En janvier dernier, la Chine avait déjà annoncé un durcissement des règles d'utilisation des VPN. Ces réseaux privés virtuels permettent de contourner les blocages de site (et par exemple d'accéder aux contenus bloqués comme Facebook et Twitter). Les nouvelles réglementations constituent un message supplémentaire. Même si dans la pratique, la plupart de ces mesures existent en fait déjà, réparties dans des texte disparates. La nouvelle législation les rassemble, leur donne force de loi.
Jugée régressive par les défenseurs des droits de l'homme, la loi sur la cybersécurité annonce des problèmes de confidentialité des données - puisque le gouvernement pourra y accéder. D'autre part, l'obligation pour les entreprises de construire des serveurs en Chine renforcera le coût d'entrée sur le marché, ce qui est une manière d'en limiter l'accès. Toutes ces mesures de contrôle des contenus sont ici mêlées à une véritable problématique de cybersécurité, dans un contexte où les Etats-Unis et la Russie sont identifiés, ou du moins désignés, comme des menaces.
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S'acheminerait-on pour autant vers une Chine coupée du web ? Si elle le voulait, la Chine pourrait le faire. D'ailleurs le pays détient le triste record de la coupure totale d'Internet la plus longue, c'était en 2009 dans la région du Xinjiang. Mais la réalité est plus contrastée. D'abord couper l'accès à tous les contenus web aurait un coût politique bien trop fort pour le pouvoir. Surtout, la Chine est tout à fait interconnectée et intégrée à l'Internet mondial. Ce dont ne rend pas forcément l'image du "great firewall", surnom donné au système de censure numérique chinois. C'est la nuance que souligne Séverine Arsène, chercheuse au Centre d’études français sur la Chine contemporaine. Elle rappelle que toute l'idée de cette "grande muraille numérique" était paradoxalement non pas de couper la Chine d'Internet, mais plutôt de la connecter à l'Internet mondial. Seulement en le faisant de manière sélective. A travers des filtres.
La Chine est dans la compétition économique mondiale autour du numérique. On ne compte plus les articles et documentaires qui désignent la région de Shenzen comme la nouvelle "Silicon Valley du hardware". C'est là que s'est installé Fox Conn, entreprise taïwanaise, principal fournisseur d'Apple, qui a plus d'un million d'employés en Chine. Le pays a aussi ses géants comme, Alibaba pour le e-commerce ou le moteur de recherche Baidu. Et il attire investisseurs et entreprises étrangères.
"Cybersouveraineté"
Et finalement l'articulation de ces deux aspects, d'une part le contrôle et d'autre l'intérêt à développer le web, se fait à travers la notion de "cybersouveraineté", défendue par le Président Xi Jinping. L'idée c'est que ce serait aux Etats de décider de manière autonome comment ils régulent le web. Un modèle onusien en somme. Loin de l'actuelle gouvernance mondiale du web. qui inclut entreprise, et société civile Mais c'est un modèle que s'accordent aujourd'hui à défendre un certain nombre de pays, souvent autoritaires.
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