La dé/connexion, nouvel objet de lutte et de négociation

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. ©Getty - Calvin Dexter
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Le droit à la déconnexion fait désormais partie des négociations annuelles obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés. Une manière de soulever des questions majeures posées par le travail et au travail.

Le SMS d'un manager reçu en plein diner. Ou une demande dite "urgente" qui fait irruption dans un week-end entre amis. L'unité de temps et de lieu du travail tend à disparaître. Le smartphone permet de travailler où on veut, quand on veut. Une liberté inédite. Et son pendant : le risque que cela ne devienne partout et tout le temps.

La revendication de la déconnexion n'est pas arrivée avec les smartphones. L'idée de déconnexion est une forme de résistance à la technique, qu'elle soit numérique ou non. La nouveauté c'est la manière dont le travail à distance repose la question de la charge du travail et surtout de son organisation.

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La loi El Khomri a instauré un "droit à la déconnexion". C'est sûrement la mesure du texte la plus commentée en ce début d'année. Pourtant, pas de changement soudain ou visible pour les salariés dès ce mois-ci. Ce que dit la loi, c'est que depuis le 1er janvier, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le droit à la déconnexion doit faire partie des négociations annuelles obligatoires avec les représentants syndicaux. Ce droit - non défini par la loi- est compris comme la possibilité de bénéficier de temps de repos sans contact avec son travail - et donc avec ses messages professionnels. La limite, c'est qu'il n'existe aucune obligation d'aboutir à un accord. En cas d'échec, les entreprises pourront toujours unilatéralement établir une charte. Même si là encore, l'absence de charte n'entraînera aucune sanction.

Quels effets?

En fait d''un point de vue strictement juridique, cela existe déjà. Les salariés n’ont pas à travailler en dehors de leur temps de travail. C'est le droit au repos. Mais force de constater que l'interpénétration des temps professionnels et personnels se généralise. Certaines entreprises se sont déjà emparé du sujet. Comme La Poste où depuis 2015 un accord précise sur "seuls la gravité, l'urgence ou l’importance exceptionnelle peuvent justifier l’usage de la messagerie professionnelle " hors du temps de travail.
Des solutions techniques sont testés par certaines entreprises (serveurs coupés, blocage des mails à certaines heures...) mais elles restent minoritaires.

Mais l'intérêt de cette incitation à négocier, c'est de soulever des questions majeures posées par le travail et au travail.
D'abord celle de la charge de travail et de sa mesure : c'est un enjeu de santé et de qualité de vie au travail.
Si les salariés ont le droit ne de pas se connecter, rien ne les obligera à ne pas se connecter. L'inverse serait jugé par beaucoup comme inacceptable mais cela pose une question : faut-il protéger les salariés contre eux-mêmes? Nous sommes inégaux face à la déconnexion. Autrement dit, plus ou moins capable de lâcher son téléphone ou ne pas consulter sa messagerie.
Or, ce n'est pas parce qu'il ne répond pas au message de son chef qu'un salarié ne va pas y penser et avoir l'esprit occupé par le dossier qui a fait irruption dans sa tête. Ce que la loi affirme en creux, c'est que l'hyperconnexion est une question posée à l'organisation de travail. Et à la responsabilité des managers.

Reste le cas des travailleurs indépendants. Tout autant si ce n'est plus concernés. Intéressant d'observer la forme que prennent les conflits social des travailleurs des plateformes. Pour les chauffeurs de VTC ou les, livreurs à vélo, être un travail, c'est allumer son téléphone. Alors certains se mettent à imaginer un jour, une déconnexion massive : la grève par la disparition des écrans. La connexion est désormais un objet de lutte contemporain.

Que va changer le droit à la déconnexion ? avec Xavier Zunigo : professeur de sociologie l’université Paris-Dauphine (La question du jour 02/01/2017)

E-mails au travail : le temps de la déconnexion (Pixel 26/02/2016)

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