Trump et le numérique : une certaine idée de la frontière

Donald Trump s'attaque aussi au numérique
Donald Trump s'attaque aussi au numérique ©Reuters - Aaron Bernstein
Donald Trump s'attaque aussi au numérique ©Reuters - Aaron Bernstein
Donald Trump s'attaque aussi au numérique ©Reuters - Aaron Bernstein
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Qu'est-ce que les mesures prises par Donald Trump sur le numérique disent de sa conception des frontières.

Il faut rejeter la réforme des visas de travail proposé par Trump. Voilà en résumé le message passé cette semaine par 162 entreprises américaines du numérique dont Facebook, Amazon, Google, Uber, Spotify pour n'en citer que quelques unes. Ce n'est pas la première fois qu'elles dénoncent les conséquences désastreuses que cela aurait pour leur secteur, qui repose sur une main-d'oeuvre étrangère. Cette fois, elles ont rédigé un mémoire - un amicus brief, en langage juridique américain - présenté devant la justice et que le site d'information américain Recode a publié. Ces entreprises réagissent aux nouvelles mesures adoptées mardi par Donald Trump. Ces dernières limitent le programme de visas d'immigration de travail H-1B, auquel elles sont nombreuses à avoir recours pour leurs recrutements. Programme dont on sait qu'il est dans le collimateur de la Maison Blanche et qu'il pourrait s'inscrire dans une réforme plus large de l'immigration.

Les avancées de l'ère Obama supprimées

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Depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump détricote un certains nombre de décisions de la présidence de Barack Obama. Et le numérique n'y échappe pas. Il est d'ailleurs intéressant de regarder cette récente décision sur les visas à la lumière de toute une série de mesures concernant le numérique, adoptées ou annoncées depuis l'arrivée de Trump au pouvoir. Elles sont sur des plans et des sujets différents, mais les regarder ensemble, c'est mettre en lumière un certaine conception de la frontière que font émerger Trump et son administration. Frontière pour les candidats aux migrations, donc, mais pas seulement.

Au début du mois, le Congrès américain a adopté une loi annulant une série de protections de la vie privée des internautes, prises sous la présidence Obama. En particulier, il en est fini de l'interdiction pour les fournisseurs d'accès internet de revendre les données personnelles sans l'accord explicite des utilisateurs. Concrètement leurs recherches, les jeux auxquels ils jouent, leurs données de santé etc : tout cela pourrait être revendu même s'ils ne le veulent pas. Le texte interdit par ailleurs à la FCC, le régulateur américain des communications, de prendre de nouvelles dispositions pour limiter ces reventes. Bien sûr, cela pose ici la question de la prééminence donnée aux entreprises. Mais surtout, si les informations concernant votre vie sont à vendre, sont-elles encore privées ? Où passe la frontière entre vie publique et privée ? C'est peut-être là un changement qui s'amorce. Surtout si l'on met cette décision en regard d'une autre l'idée avancée par l'administration Trump - et à ce stade encore à l'état de projet : pouvoir demander aux voyageurs ou aux candidats à un visa, leurs usages des réseaux sociaux et leurs mots de passe. Et donc accéder à toute leur vie numérique : photos, contacts, échanges ....

Libre circulation des connaissances

Les frontières apparaissent aussi dans la circulation des contenus. Autre cible de l'administration Trump : la neutralité du net. Comme son nom ne le dit pas vraiment, il s'agit d'un principe non-écrit au fondement même d'internet : l'absence de discrimination entre les contenus. Pas d'octroi à payer ou de poste frontière à passer, tous les contenus peuvent de la même manière circuler sur le web. Sans cela, seuls ceux qui paieraient auraient de bonnes conditions de circulations. Or à la tête de la FCC, Trump a nommé Ajit Pai, principal opposant à la neutralité du net. Cet ancien avocat du groupe Verizon est connu pour être favorable aux opérateurs. Il est d'ores et déjà revenu sur une douzaine de mesures de son prédécesseur.
Une "attitude épouvantable" : c'est Tim Berners- Lee, l'un des principaux créateurs du web, qui qualifie ainsi ces mesures prises par Trump. Celui qui vient d'être récompensé du prestigieux prix Turing appelle les Américains à résister. Voilà qui pourrait rencontrer le mouvement lancé par ceux qui défendent l'accès à la connaissance. Souvenez-vous, dès son arrivée au pouvoir, Trump a fait disparaître du site de la Maison Blanche les données sur le climat, provoquant à travers les Etats-Unis un mouvement de collecte et d'archivages des données scientifiques, menée conjointement par des chercheurs et des informaticiens. Aujourd'hui, à Washington, se déroulera une Marche pour les sciences. Une marche sans frontière puisqu'elle a lieu à Washington, mais aussi à travers le monde, y compris en France.