Depuis la sélection de Lille pour le prochain Festival International des Séries parrainé par le Ministère de la Culture, Cannes a confirmé le sien deux mois plus tôt en avril 2018. Avec déjà Biarritz, Luchon, Paris et Fontainebleau la France comptera en 2018 six festivals de séries TV différents.
Il y a un mois tout juste, le monde des séries a donc vécu l’« épilogue d’un micmac à la Dallas » (Alexandre Hervaud dans Libération le 29 mars), 4 jours après l’annonce par le Ministère de la Culture de l’attribution de ce nouveau festival à Lille, finaliste contre Paris. Il détaille comment (presque toute) la presse s’amuse à qualifier cette décision sous le nom de séries à rebondissements, tant depuis le 1er rapport en 2015 elle a suscité de sollicitations, missions, réunions et tractations : "Game of Thrones,"pour Télérama, la violence en moins… Mais avec des enjeux considérables : « concurrencer Berlin, Venise ou Londres », raison pour laquelle le Ministère semble avoir mis les moyens en débloquant 1 M d’euros ; et en prévoyant une organisation rapide en juin 2018 : « Il fallait le faire et rapidement car la concurrence des Etats-Unis, de l’Angleterre ou de la Scandinavie montait » rapporte La voix du Nord citant le Ministère de la Culture.
Le problème est qu’aujourd’hui la France risque de se retrouver avec 2 festivals internationaux, voire plus. Tout vient du processus de choix changeant effectué par le Ministère : au départ clairement porté sur Paris (en étendant le Festival Séries Mania dont la directrice Laurence Herzberg était l’auteure du premier rapport), choix qui s’est ensuite transformé en appel d’offre dans la transition ministérielle en 2016 entre Fleur Pellerin et Audrey Azoulay. Or, des 3 villes évincées de la finale, Cannes n’a pas accepté et a annoncé la création en avril 2018 de son propre festival « appelé à devenir le 1er festival international de séries » a lancé comme un défi son maire David Lisnard lors d’une conférence de presse au début du mois. Même si du côté de Lille ou du Ministère on ne commente pas, voilà 2 festivals ouvertement concurrents : l'un du Ministère, un autre à Cannes, avec pour partenaires Canal +, le puissant exposant Reed, le MIPTV et Fleur Pellerin pour directrice du Festival - et pied de nez au Ministère de la Culture. Résultat : cet « imbroglio politique et géographique » (disait Lucile Commeaux) se résoud dans une concurrence Nord / Sud de deux festivals qui n’existent pas encore…
De plus leur organisation sera plus que rapide : Pour Lille « dans le détail, tout reste à organiser » reconnaît Sébastien Leroy dans La voix du Nord ; mais pour le Ministère et le CNC, la centralité européenne de Lille est un atout. Le budget est 4,4 et 5 M d’euros, on sait que le but est de développer les tournages dans les Hauts-de-France. « L’heure est à la recherche de partenaires » confirme Libération. Un certain nombre de professionnels ont été associés au cours des différentes missions : dont Anne Landois, la showrunner d’Engrenages blockbuster international français vendu dans 70 pays ou Jean François Boyer (Un village français). Série Mania et Séries Séries à Fontainebleau devraient continuer à servir de conseil mais rien n'est encore décidé. Bref, on tente de coller au projet d’un événement voulu au départ par Audrey Azoulay « à l’image du Festival de Cannes », celui de Lille n'a toujours pas de nom.
Du côté de « Cannes Séries » David Lisnard « persiste et signe » comme le dit La tribune, avec force détails : un budget comparable, d’ « au moins » 4 M d’euros, un Festival sur 7 jours, « à la fois grand public et professionnel, glamour et populaire », 200 projections, la possibilité de voter par internet. L’événement serait aussi la base d’un projet de développement économique, un "grand pôle d’industries créatives", des formations, en partenariat avec UCLA.
Lille et Cannes sont donc deux projets assez différents : rencontreront-ils le succès, y aura-t-il concurrence ? Restent aussi les autres festivals, le FIPA de Biarritz qui a 30 ans, Luchon presque 30 ans, Séries Séries à Fontainebleau… Des inquiétudes se sont faites entendre sur le financement de Séries Mania, 8ème édition, dont les 750 000 euros du CNC constituent 1/3 du budget. « Toute la question est de savoir si le festival peut continuer à exister sans le soutien de l’Etat, explique Marina Alcaraz dans Les Echos. Du côté de Séries Mania « la pilule est dure à avaler mais le ton ne monte pas », nuance Libération, expliquant que de toutes façons le Festival collabore avec Séries Séries.
« Verra-t-on Kevin Spacey […] ou encore les dragons de Game of Thrones dans la rue de Béthune en 2018… » ? demande la Voix du Nord. Peut-être, et à Cannes aussi ; mais ces festivals ne risquent-t-il pas de faire d’abord des dommages collatéraux ?
X.M.
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