

Conserver et restaurer un film coûte cher, et le support numérique, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ne simplifie pas la question.
- Antoine Guillot Journaliste, critique de cinéma et de bandes dessinées, producteur de l'émission "Plan large" sur France Culture
- Charlotte Garson Rédactrice en chef adjointe des Cahiers du cinéma
- Corinne Rondeau Maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes et critique d'art
Il y a quelques jours a ouvert à Paris, près de la place Clichy, un nouveau lieu consacré à la restauration de films, le "Laboratoire de l’image retrouvée". J’ai parlé avec Thomas Rosso, qui y est chef de projet, et au delà des aspects techniques et esthétiques de la chose, j’ai découvert des enjeux politiques et éthiques, la question de: quoi restaurer, quoi numériser? Dans leur laboratoire, ils restaurent surtout des films anciens voire très anciens. Mais quid des films récents? Que garder quand on ne sait pas encore ce qui est historique, ce qui vaut la peine d’être conservé? C’est une question importante que celle du choix, car il est contraint par un coût.
Conserver ou restaurer un film ça coûte très cher. La pellicule, mais aussi le format numérique, qui est celui de la plupart des films réalisés ces dix dernières années. Le support numérique est très fragile - la durée de vie d’un disque dur c’est 5 ans, (pour comparaison la pellicule nitrate c’est cent ans) et il demande une conservation spécifique. En 2011 le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) modifie le code du patrimoine relatif au dépôt légal des films. Il exige que les producteurs de films déposent une copie en 35mm, de la pellicule donc, même lorsque le film est produit sur support numérique, car la conservation en est moins coûteuse. Problème: la production d’une telle copie argentique est un coût que certaines petites maisons ne peuvent assumer. Ce qui signifie qu’un certain nombre de films qui ne peuvent se permettre un tel investissement ne sont pas bien conservés. C’est d’autant plus problématique qu’aujourd’hui rassembler des fonds pour restaurer un film récent est extrêmement compliqué. Cette initiative est celle des ayant droits, qui peuvent demander l’aide du CNC. Le CNC accorde, après passage en commission, des fonds à certaines initiative de numérisation et finance environ 70% du coût total de la procédure, il reste donc 30% pour les ayant droits et c’est déjà beaucoup pour certains. Mais le CNC par n’accorde des fonds pour restaurer un film que pour les oeuvres antérieures au 1er janvier 2000, date choisie arbitrairement il y a déjà des années, et qui n’a pas évolué alors que les spécialistes estiment aujourd’hui qu’un film est ancien dès lors qu’il a été tourné avant 2010. On peut prendre l’exemple d’Esther Kahn, le film d’Arnaud Desplechin, que son producteur "Why Not" voulait faire numériser au même titre que les autres films du réalisateur. Il n’a pas pu bénéficier de fonds public parce que le film est sorti à l’automne 2000 et n’est donc pas considéré comme un film “de patrimoine”.
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