De la condition du traducteur

Couverture du livre "Barnum's Digest, 10 monstres fabriques". Recueil de dix poemes ecrit par Boris Vian (1920-1959) sous le pseudonyme Jean Boulet dont il se faisait passer pour le traducteur
Couverture du livre "Barnum's Digest, 10 monstres fabriques". Recueil de dix poemes ecrit par Boris Vian (1920-1959) sous le pseudonyme Jean Boulet dont il se faisait passer pour le traducteur ©AFP - LEEMAGE
Couverture du livre "Barnum's Digest, 10 monstres fabriques". Recueil de dix poemes ecrit par Boris Vian (1920-1959) sous le pseudonyme Jean Boulet dont il se faisait passer pour le traducteur ©AFP - LEEMAGE
Couverture du livre "Barnum's Digest, 10 monstres fabriques". Recueil de dix poemes ecrit par Boris Vian (1920-1959) sous le pseudonyme Jean Boulet dont il se faisait passer pour le traducteur ©AFP - LEEMAGE
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Chaque année, un bon tiers des livres qui paraissent sont des livres traduits. Dans quelles conditions vivent les traducteurs de littérature en France?

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Le weekend dernier ont eu lieu à Arles, comme tous les ans, les Assises de la traduction, organisées par l’ATLAS, l’Association pour la promotion de la traduction littéraire. Les enjeux soulevés par les diverses tables rondes sont surtout des enjeux d’ordre littéraire, et pas tellement économiques ou sociales, et tant mieux, mais pour autant, j’ai pensé que c’était l’occasion de faire un petit point sur la condition du traducteur en France.

Il faut d’emblée dire que les traductions sont bien accueillies en France contrairement au Royaume-Uni par exemple. Chaque rentrée en librairie, beaucoup de parutions étrangères traduites - un bon tiers. En fait on fait confiance à un “double filtrage”: celui des éditeurs nationaux, puis celui des éditeurs français: un livre traduit est donc gage de qualité. Pour autant les traducteurs souffrent de trois phénomènes différents: la difficulté voire l’impossibilité à vivre de leur travail, la complexité voire la difficulté de la relation qu’ils entretiennent avec les maisons d’éditions, et enfin l’ignorance globale dont ils souffrent parmi le grand public.

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On ne sait pas exactement combien il y a de traducteurs, parmi les membres de l’ATLF (association des traducteurs littéraires de France), environ un tiers seulement vit de son activité de traduction. On considère aujourd’hui qu’un petit millier de personnes vivent de la traduction en France. Ils sont considérés comme des travailleurs indépendants comme les auteurs et connaissent un peu comme eux de fortes disparités. Ils sont payés en droits d’auteurs, mais vivent surtout grâce à l’à-valoir que leur verse l’éditeur. Le prix du feuillet varie selon les langues, l’anglais, langue la plus courante et la plus pratiquée, étant le moins bien rémunéré. C’est en général très complexe d’évaluer le temps que prend la traduction d’un feuillet, selon la langue et la complexité du texte d'origine. Il faut souligner qu’en France le secteur de la traduction bénéficie d’aides publiques, ce qui n’est pas le cas, comme souvent dans d’autres pays européens, où la situation des traducteurs est souvent plus précaire encore.

Deuxième écueil, les relations avec les maisons d’éditions. Il existe apparemment une méfiance réciproque entre les deux. Les éditeurs se plaignent des coquilles et des maladresses laissées par les traducteurs, qui eux se plaignent de ne pas être sollicités pendant les dernières étapes de la sortie du livre, sont exclus de la relecture pour des questions de temps et de budget.

Enfin, les traducteurs souffrent d’un manque de reconnaissance de la part du grand public, dont les médias ont d’ailleurs leur part de responsabilité, je sais qu’ici on cite systématiquement leurs noms quand on parle de littérature étrangère mais c’est très loin d’être le cas partout. Dans un rapport sur la "Condition du traducteur" en 2011, Pierre Assouline plaidait pour un statut de “traducteur créateur” ou de coauteur: est-ce que ça peut aller jusque là?

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