Des voix africaines

Pretty Yende dans Lucia di Lamermoor de Donizetti - Paris octobre 2016
Pretty Yende dans Lucia di Lamermoor de Donizetti - Paris octobre 2016  ©AFP - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Pretty Yende dans Lucia di Lamermoor de Donizetti - Paris octobre 2016 ©AFP - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Pretty Yende dans Lucia di Lamermoor de Donizetti - Paris octobre 2016 ©AFP - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
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Comment les chanteurs lyriques africains émergent sur la scène internationale.

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Il y a quelques jours a paru dans le journal Jeune Afrique un article sur les grandes voix lyriques africaines, il cite: le baryton camerounais Jacques-Greg Belobo, les contre-ténors marocain Rachid Ben Abdeslam, et congolais Serge Kakudji, mais surtout un certain nombre de musiciens sud-africains, parmi lesquels Pretty Yende qu’on a vue récemment en France dans le rôle de Lucia di Lamermoor, ou encore la soprano Pumeza Matshikiza, dont le premier album paru l’année dernière avait fait grand bruit.

A écouter : Pretty Yende : "Ma voix demeure pour moi un mystère"

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En l’occurrence il s’appelait Voice of Hope, et donnait à entendre un programme éclectique de grands airs - Puccini notamment dans lequel elle avait fait ses débuts sur scène - et des airs traditionnels des townships. Un programme et une voix très remarqués, et ses origines n’étaient pas pour rien dans cette reconnaissance rapide et quasi unanime, le Figaro titrait avec peut-être un brin de simplisme “Pumeza Matshikiza la Callas des townships”. Je m’interroge ainsi sur la stratégie mise en place par la chanteuse, et sans doute aussi de ceux qui la représentent dans les vastes affaires de l’opéra, cette stratégie qui consiste à parler surtout de ses origines réputées doublement minoritaires dans le milieu: africaines, et pauvres - puisque la jeune chanteuse est née dans les bidonvilles de la ségrégation sud-africaine. Il est vrai que l’histoire est séduisante: Pumeza Matshikiza aurait entendu, adolescente, un air d’opéra pour la première fois par hasard à la radio, elle chantait dans alors sans solfège dans des choeurs à l’Eglise, et n’aurait pas su lire une partition avant ses vingt-un ans. Autre chose remarquée dans ces différents portraits: le fait que tous ces chanteurs quasiment aient quitté le continent africain pour accéder au Conservatoire, en Europe ou aux Etats-Unis. En l’occurrence Pumeza Matshikiza a commencé à apprendre à Capetown mais est vite partie passer des auditions en Angleterre où elle a finalement étudié sept ans au Royal College of London. Un de ses projets est d’ailleurs de lever des fonds pour construire une école de musique dans son ancien quartier. On touche sans doute là à la question la plus cruciale, à savoir la question de la formation, quand on jette un coup d’oeil à la liste des écoles supérieures de musique dans le monde, une écrasante majorité se situent en Europe et aux Etats-Unis, plusieurs en Afrique du Sud, d’où la présence de plusieurs chanteurs de cette origine sur les grandes scènes nationales, quelques unes dans les pays du Maghreb, mais presque pas en Afrique de l’Ouest, encore moins en Afrique centrale et en Afrique de l’est, comme d’ailleurs toutes les structures culturelles. Les chanteurs africains font encore tellement figures d’exception que chaque sortie discographique, ou distribution dans une grosse production donne lieu à des remarques de type “la diva des townships”, espérons qu’un jour ni la presse ni les labels ni les scènes ne capitaliseront là-dessus.